Le capitaine Truman en tenue de campagne (image tirée de la notice wikipedia de l’intéressé).
La commémoration du centenaire de l’arrivée du Kaiser aux Pays-Bas m’ayant empêché le mois dernier d’évoquer l’armistice, je m’empresse aujourd’hui de combler cette lacune grâce aux mémoires du futur président Harry S. Truman, alors au front en qualité de capitaine commandant la batterie D du 129e régiment d’artillerie.
Emblème du 129e régiment d’artillerie (image tirée de la notice wikipedia américaine du régiment).
Le 11 novembre, à 5 heures du matin, le major Paterson, officier opération du régiment, m’appela et me dit que le cessez-le-feu interviendrait à 11 heures – c’était le 11 novembre 1918. Je fis tirer la batterie conformément aux ordres jusqu’à 10 heures 45 lorsque je tirais notre dernier coup sur un petit village – Hermeville 1 – au nord-est de Verdun. La portée de tir était de 11.000 mètres avec les nouvaux obus D. Huit mille huit cents mètres constituaient la portée maximale des canons de 75 mm avec des munitions classiques, mais avec les obus D aérodynamique ils pouvaient atteindre 11.500 mètres.
1 Herméville-en-Woëvre dans le département de la Meuse.
Nous avons cessé le feu tout au long du front à 11 heures, le 11 novembre 1918. C’était si calme que cela faisait mal à la tête. Nous sommes restés sur notre position toute la journée et nous avons rampé jusqu’à nos tentes de campagnes au soir.
Il y avait une batterie française de vieux canons Napoléon français de six pouces avec des roues de six pieds de diamètre et sans système de recul 2 juste derrière notre batterie. Ils reculaient sur un truc en bois en forme de chevalet de menuisier avant de se remettre en batterie. Si un artilleur allait ou venait il risquait de perdre un bras, une jambe ou toute autre partie de son anatomie s’il se trouvait sur le trajet de ce vieux canon. C’était cependant un bon canon et il était capable d’atteindre sa cible lorsqu’il était armé par un expert.
2 Peut-être des canons de 155 mm L modèle 1877.
Tir d’une pièce de 120 mm L de 1877.
Dans la soirée tous les hommes de la batterie française s’étaient saoulés avec une cargaison de vins livrée au camp par la ligne de chemin de fer à voie étroite. Chacun d’entre eux est venu jusqu’à mon lit, a salué et a crié : « Vive président Wilson ! Vive le capitaine d’artillerie américaine ! » 3 Impossible de dormir de la nuit, les fantassins tiraient au pistolet Very 4 en utilisant toutes les fusées éclairantes qu’ils pouvaient tirer, tiraient avec des fusils, des pistolets et tout ce qui pouvaient faire du bruit tout au long de la nuit.
3 En français dans le texte.
4 Pistolet signaleur réglementaire des troupes américaines.
Le lendemain nous avons reçu l’ordre de laisser nos canons en position et de rallier le camp de notre unité. Après cela nous avons passé nos soirées à jouer au poker et à souhaiter de rentrer à la maison. 5
5 The Autobiography of Harry S. Truman (University of Missouri Press ; Columbia, 2002) pp. 49-50.