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6 septembre 2020 7 06 /09 /septembre /2020 09:01
165 - Une chute de l'Impératrice

Comme me l’a reproché l’un de mes fidèles lecteurs, dans le billet précédent, nous avons vu quelques travers de l’impératrice Augusta-Victoria. Afin d’équilibrer le propos et de ne pas encourir les foudres féministes découvrons là aujourd’hui dans une mésaventure où elle fit preuve de beaucoup plus de dignité et de sang froid que son entourage.

165 - Une chute de l'Impératrice

Les chevaux de Sa Majesté sont pour la plupart de race anglaise ou irlandaise, bien charpentés, entraînés dans les écuries royales pendant six mois au moins avant d’être montés par l’Empereur 1.

1 Du fait de son handicap au bras gauche, le Kaiser ne pouvait monter que des chevaux spécialement dressés.

Ceux de l’Impératrice sont confiés à un écuyer, fonctionnaire responsable de leur bonne tenue.

Leurs Majestés se promenaient un jour ensemble de bon matin dans les environs de Potsdam : le cheval de l’Impératrice trébucha et tomba, lançant son écuyère sur la tête, heureusement sans grand dommage, grâce à l’épais chapeau de paille qu’elle portait.

C’est une terrible affaire pour une Impératrice de tomber de cheval, même quand elle n’a aucun mal. Cet accident arrive généralement devant une foule de gens dont quelques-uns sont naturellement rendus responsables. Cette fois-là, un ou deux des écuyers arrivèrent hors d’eux-mêmes en versant des larmes ; l’Empereur, sous l’impression de l’incident, laissa échapper quelques mots de blâme un peu vifs, mais très excusables. Les aides de camp se dispersèrent dans toutes les directions, courant à la recherche d’un docteur ; les princes Oscar et Joachim, qui se promenaient avec leurs parents, en firent autant de leur côté.

165 - Une chute de l'Impératrice

Le prince Oscar ne rencontra pas de médecin, mais il finit par trouver un fiacre attelé d’un mauvais cheval conduit par un cocher très malpropre et mal peigné qui rêvait paisiblement sur son siège devant une maison : il attendait que son client, un jeune officier, en sortît. Le prince Oscar lui ordonna immédiatement de la suivre pour reconduire Sa Majesté ; mais le cocher hésitait, disant qu’il était déjà engagé et ne pouvait laisser son client dans l’embarras. Le prince insista, mais le cocher fidèle, craignant peut-être d’être victime d’une mystification, refusait toujours l’offre tentante de reconduire Sa Majesté au château : finalement le prince sortit son épée et lui commanda au nom de l’autorité militaire (souveraine en Allemagne) de le suivre immédiatement avec son fiacre à l’endroit indiqué. Alors le cocher, furieux et grommelant tout haut le long du chemin, fit ce qui lui était commandé ; il était toujours convaincu qu’il était l’objet de quelque plaisanterie ; mais il se trouva bientôt au centre d’une foule brillante et agitée, où tous parlaient à la fois et émettaient des avis différents sur ce qu’il y avait à faire.

165 - Une chute de l'Impératrice

Cocher berlinois devant le palais royal de Berlin.

L’Impératrice était furieuse d’avoir été traitée comme une personne blessée ; sa frayeur disparue, elle ne ressentait aucun mal, et aurait de beaucoup préféré remonter sur son cheval et rentrer tranquillement. Mais elle dut à toute force monter dans le malpropre véhicule avec sa dame d’honneur. Escortée par ses deux fils et par les deux écuyers qui avaient l’oreille basse, elle arriva ainsi au château ; un jeune médecin militaire, très effrayé, qu’on avait fini par découvrir dans une caserne voisine, déclara après un bref examen qu’il valait mieux que Sa Majesté gardât le lit. On le congédia alors avec de justes remerciements, mais le médecin de la Cour, qui avait été mandé de Berlin, ordonna immédiatement à Sa Majesté de se lever et d’aller et venir comme d’habitude. L’agitation au Palais fut ce jour-là indescriptible. Chose étrange ! La divergence d’opinion parmi les spectateurs de l’accident était complète. Il n’y en avait pas deux d’entre eux pour s’accorder sur la façon exacte dont il était arrivé, et les discussions à propos de détails insignifiants devenaient acrimonieuses.

C’est le cocher de fiacre qui en cette occurrence fut le plus heureux, grâce au généreux pourboire qu’il reçut, et plus tard il racontait toujours, à l’admiration de ses clients de Potsdam, comment il avait tiré l’Impératrice d’embarras. 2

2 A Topham .Souvenirs de la cour du Kaiser (Librairie Delgrave ; Paris, 1915) pp. 205-207.

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