Dans un précédent billet, j’ai eu l’occasion d’évoquer l’intérêt du Kaiser pour l’histoire romaine 1. Aujourd’hui, nous allons découvrir le jeune prince dans son apprentissage du latin en 1871, se confrontant au texte de La guerre des Gaules de César.
1 http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-saalburg-81067172.html.
Illustration tirée de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad Le papyrus de César.
De retour à Wiesbaden, je commençai à lire Ovide, – jusque-là, j’avais lu tous les livres de la guerre des Gaules, de César, – mais je lui trouvais quelque chose de très enfantin dans ses descriptions et ses allégories, notamment dans le voyage de Phaëton dans les airs 2. J’aimais beaucoup mieux César, parce que ses descriptions (les ponts du Rhin 3, les armes des Germains 4, l’expédition de Bretagne 5 et le siège d’Alésia 6) et ses tableaux de batailles et de combats étaient plus intéressants qu’Ovide tout entier ; une seule chose m’était désagréable, c’est que les Romains remportaient presque toujours la victoire, mettaient les Barbares en fuite, les tuaient en masse et avaient eux-mêmes à peine quelques blessés. C’est pourquoi je me réjouissais lorsque je lisais que quelque part les Romains avaient essuyé une défaite, c’est ainsi que l’anéantissement des corps d’armée de Cotta 7 me satisfit particulièrement. 8
2 Métamorphoses I, 750-779 et II, 1-400.
3 Guerre des Gaules IV, 17.
4 Guerre des Gaules VI, 11-24.
5 Guerre des Gaules IV, 20-38 et V, 5-24.
6 Guerre des Gaules VII, 66-89.
7 Guerre des Gaules V, 25-37.
8 Guillaume II Souvenirs de ma vie (1859-1888) (Payot ; Paris, 1926) pp. 74-75.
On ne peut que sourire de l’enthousiasme patriotique du jeune prince Guillaume face aux légions de César qui se sont régulièrement trouvées en guerre contre des tribus germaniques… Il est vrai que son élan s’inscrivait parfaitement dans la montée des nationalismes au XIXe siècle, époque qui vit l’émergence de la notion d’antiquités nationales. Ainsi, à peu près à l'époque où le prince Guillaume s’initiait au latin Napoléon III faisait ériger sur le site d’Alésia une statue de Vercingétorix et la ville belge de Tongres en dressait une à Ambiorix, vainqueur de Lucius Aurunculeius Cotta et de Quintus Titurius Sabinus.
L’Allemagne elle-même ne restait pas à la traîne dans cette fièvre commémorative des origines : en 1875 fut inaugurée à proximité de Detmold un monument au chef chérusque Arminius qui avait vaincu les légions du légat Publius Quinctilius Varus en l’an 9 de notre ère. Bâti dans un style « kolossal », l’Hermannsdenkmal a résisté au temps et constitue toujours une destination très populaire 9.
9 La ville de New Ulm dans le Minnesota (fondée par des colons allemands en 1854) dispose depuis 1897 d’une réplique de ce monument…
A ceux de mes lecteurs qui voudraient rafraîchir leurs souvenirs sur le désastre de Varus à l’origine de l’érection de l’Hermannsdenkmal je propose un documentaire tiré de l’excellente chaîne youtube Questions d’Histoire.