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2 janvier 2023 1 02 /01 /janvier /2023 11:36
209 - Le prince Henri de Prusse à Brest ? (3/3)

Dans les jours qui suivirent l’escale du SMS Hela, l’incertitude sur le possible débarquement du prince Henri se poursuivait donc. Et le samedi 10 août 1901 La dépêche de Brest continua d’entretenir le suspense, même si des indices pouvaient laisser penser que le frère du Kaiser ne passerait sans doute pas par la ville.

Ainsi que nous le laissions pressentir hier, le prince Henri n’est pas venu à Brest, soit que l’Hela n’ait pu rejoindre l’escadre allemande à temps, soit que le prince Henri ait voulu s’acquitter jusqu’au bout de la mission qui lui avait été confiée.

On sait que l’Hela, venu dans notre port pour faire du charbon, quitta Brest avant-hier, vers trois heures de l’après midi, pour se mettre à la recherche de l’escadre allemande et ramener le prince Henri à Brest, où l’attendait un train spécial pour le conduire à Paris, d’où il aurait pu rapidement gagner l’Allemagne.

On s’attendait donc à ce que l’Hela revînt dans la nuit, ou tout au moins hier matin, et à cet effet, tous les sémaphores de la côte avaient reçu l’ordre de veiller jour et nuit, de manière à guetter le passage de l’Hela.

A la préfecture, à la gare, à la police, on se tenait sur le qui vive.

Un grand nombre d’étrangers étaient même accourus à Brest, se répandant un peu partout dans les hôtels.

Vers huit heures du matin, une série de coups de canon, tirés à intervalles réguliers, firent croire au retour de l’Hela.

Un grand nombre de nos concitoyens se précipitèrent au port de commerce, sur le cours d’Ajot 1 et sur le boulevard de la Marine. Leur curiosité fut déçu : il s’agissait tout simplement de tirs en rade, tirs qui ont continué toute la journée.

1 Vaste promenade aménagée à la fin du XVIIIe siècle surplombant le port de commerce de Brest.

209 - Le prince Henri de Prusse à Brest ? (3/3)

Certains marins prétendaient qu’il ne serait pas impossible que le prince débarquât dans l’après-midi.

L’Hela, disaient-ils, qui n’avait rendez-vous avec l’escadre qu’hier vendredi, vers midi, à l’entrée de la Manche, a peut-être été obligé de descendre beaucoup au sud pour rencontrer cette force navale.

En effet, par suite de son départ précipité, l’Hela se trouvait avoir une avance considérable sur les flottes allemandes.

Interviewé par nous, hier matin, M. Frank, attaché d’ambassade, se montrait surpris que l’Hela ne fût pas encore de retour.

« Peut-être – nous disait-il – l’aviso n’a pu trouver de suite l’escadre, ou bien l’Hela, le meilleur coursier de la flotte, ayant pris à bord le prince Henri, a-t-il accéléré sa marche, de manière à pouvoir arriver dans la nuit ou aujourd’hui à Wilhelmshaven. »

Le même avis prédominait à la préfecture, où le commandant de Bredo, – auquel l’attaché servait d’interprète – déclarait jeudi, lors de sa visite, que le prince était très réservé, qu’il ne disait pas grand-chose à son entourage, et qu’il était fort probable qu’en apprenant la mort de sa mère, le frère de l’empereur d’Allemagne s’embarquerait sur l’Hela. Grâce à sa vitesse, l’aviso arriverait à temps pour les obsèques.

Nous ne savons si ces précisions se sont réalisées. Toujours est-il qu’aucun bateau allemand ne s’est présenté sur notre rade, hier.

Les deux wagons salons 1502 et 1503, que la compagnie de l’Ouest avait expédié en prévision du débarquement du grand amiral de la flotte prussienne 2, ont été accrochés, hier soir, au train 142, quittant Brest à 7 h. 35 pour Paris.

2 Depuis 1871 il n’y avait plus de Marine prussienne mais une Marine impériale allemande. En août 1901 le prince Henri était vice-amiral ; il devra attendre le 4 septembre 1909 pour être élevé à la dignité de grand amiral.

L’un de ces salons a été mis à la disposition de M. Frank, attaché d’ambassade, qui, d’ailleurs, était allé passer sa journée à Morgat 3.

3 Port de pêche situé dans la presqu’île de Crozon devenu station balnéaire sous l’impulsion d’Armand Peugeot.

M. Crimail, sous-chef du mouvement à la compagnie des chemins de fer de l’Ouest, considérant également sa mission comme terminée, a repris le chemin de la capitale.

209 - Le prince Henri de Prusse à Brest ? (3/3)

Dans son numéro du dimanche 11 août 1901 La dépêche de Brest ne consacrait plus qu’un bref paragraphe aux événements liés à l’éventuelle venu du prince Henri.

M. Schlœzer 4, ministre plénipotentiaire, chargé d’affaires d’Allemagne à Paris, en l’absence de l’ambassadeur, le prince Radolin, actuellement à Cronberg, a exprimé à M. Delcassé, ministre des affaires étrangères, ses remerciements pour les prévenances des autorités maritimes de Brest à l’égard des officiers de l’aviso Hela et pour les mesures qui avaient été prises au cas où, dans les circonstances créées par la mort de l’impératrice Frédéric, le prince Henri de Prusse aurait débarqué à Brest.

4 Karl von Schlözer (1854-1916) fut en poste à Paris de 1899 à 1902.

Enfin, dans son numéro du lundi 12 août 1901, La dépêche de Brest publiait ce court entrefilet relégué dans ses dernières pages intérieures :

Brunsbuettel 5, 11 août.

Le vaisseau amiral de la 1re division de la première escadre le Kaiser Wilhelm der Grosse 6 est passé ce matin, à 9 h. ½, devant Brunsbuettel, se rendant à Kiel et ayant à bord le prince Henri de Prusse, chef de l’escadre.

5 Brunsbüttel, ville située sur l’embouchure de l’Elbe, à l’entrée du canal de Kiel.

6 Cuirassé pré-Dreadnought lancé en 1899.

209 - Le prince Henri de Prusse à Brest ? (3/3)

Photographie tirée de la notice wikipédia en allemand de ce navire.

La messe était donc dite, le prince ne viendrait pas. Toutefois, cette déception pour le port de Brest, « force de la France au bout de la France » selon Jules Michelet (historien contestable mais excellent écrivain) 6, n’avait pas fait que des malheureux. En effet, pendant plusieurs jours elle avait attiré curieux et touristes en ville, pour le plus grand bonheur des cabaretiers, restaurateurs et hôteliers. De plus, en reconnaissance de sa courtoisie à l’égard des officiels allemands, le Kaiser fit remettre au contre-amiral de Barbeyrac la plaque de commandeur de l’ordre de l’aigle rouge de Prusse 7. Enfin, la presse avait pu, pendant plusieurs jours, tirer des plans sur la comète et faire ses choux gras des bruits de coursives pour vendre du papier…

6 Revue des Deux Mondes t. III (1833), p. 194.

7 Ordre initialement fondé en 1705 par Georges Guillaume margrave de Brandebourg-Bayreuth et plusieurs fois remanié jusqu’à sa transformation en ordre royal en 1792 par le roi Frédéric-Guillaume II de Prusse ; par ordre de préséance, il s’agissait de la seconde décoration du royaume. Le Kaiser avait déjà remis cette même décoration au commandant de l’Iphigénie, Henri-Louis Manceron, qui l’avait reçu à son bord en rade de Bergen en 1899 (voir : http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-18-104248139.html).

209 - Le prince Henri de Prusse à Brest ? (3/3)

Image tirée de : http://ecole.nav.traditions.free.fr/officiers_debarbeyrac_henri.htm, avec l’aimable autorisation de son responsable.

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