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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 21:10

 

 

 

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Carte postale dédicacée de Manfred von Richtofen en uniforme de uhlan – les aviateurs n’ayant alors pas d’uniforme spécifique portaient la tenue de leur arme d’origine. On distingue à son col la croix « Pour le Mérite » et sur sa poitrine le macaron de pilote sous la Croix de fer (dont il porte le ruban à la boutonnière).

 

Plus le premier conflit mondial trainait en longueur en sombrant dans la routine des massacres de masse, plus la propagande de tous les belligérants cherchait des héros dont les vertus chevaleresques pouvaient être mises en valeur dans le but de soutenir le moral des combattants et des populations. Les aviateurs, jeunes gens pilotant des mécaniques de pointe, répondaient pleinement à cet objectif en donnant de la guerre l’image d’un sport de gentlemen. Ainsi naquit le mythe des as. Lee Kennett remarque d’ailleurs dans La première guerre aérienne (Economica ; Paris, 2005), p. 164 :

Les allemands furent probablement les premiers à attirer l’attention du public sur l’aviateur, et le Kaiser lui-même joua un rôle important ; les décorations, les lettres personnelles, et les portraits dédicacés qu’il adressait aux jeunes officiers aviateurs ayant le rang de lieutenant ou de capitaine, furent largement commentés par les journaux.

 

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Le Kaiser en visite dans une unité d’aviation ; le premier personnage à gauche au premier plan est l’as Werner Voss (1897-1917) qui était crédité de 48 victoires au moment de sa mort.

 

Du côté des puissances centrales, le plus grand de tous ces as fut sans conteste Manfred von Richthofen, dont la renommée était telle que Guillaume II en personne exprima à la fin du mois d’avril 1917 le désir de le voir. Je laisse maintenant la plume au rittmeister qui a su rapporter avec beaucoup de verve dans son argot d’aviateur la rencontre qui s’ensuivit (Le corsaire rouge, Payot, 1932 ; pp. 112-116 1).

1 Ce passage est explicitement présenté comme issus de « papiers laissés par Richthofen », ce qui explique peut-être certaines erreurs dans le texte.

Le 1er mai 1917, je pris congé de mon escadrille et me rendis au Grand Quartier Général par la voie des airs. J’étais installé à l’arrière comme Franz 2. Cologne fut notre premier arrêt. C’était la première fois que j’allais chez moi en permission depuis que j’ai été décoré de l’ordre « Pour le Mérite » 3 et que je me suis fait un nom. Aussi étais-je très gêné d’être le point de mire de tout ce monde. En descendant à Cologne, je vis la foule qui regardait notre machine avec une stupéfaction mêlée de respect, mais je m’aperçus bientôt que ces regards admiratifs s’adressaient à moi, et m’y habituai.

2 Dans l’aviation allemande, le pilote était traditionnellement surnommé « Emil » et l’observateur « Franz ».

3 Manfred von Richthofen avait été promu le 12 janvier 1917 à la suite de sa 16e victoire.

Au bout d’une heure d’arrêt, nous repartîmes pour Kreuznach 4. Là, tous les aviateurs attachés au général commandant les forces aériennes, le Kogen 5 me firent une chaleureuse ovation. Je les connaissais presque tous du B.A.O. et du B.A.N. 6, et fus présenté à tout le monde. On m’offrit des fleurs et je fus accueilli par des hourras frénétiques. J’eus l’impression que là-haut, dans la grande fabrique de ferblanterie, on prenait part à l’existence et aux succès de chacun, et qu’on n’était pas considéré comme de simple numéro.

4 Bad Kreuznach, cité thermale et vinicole du Palatinat. A partir de janvier 1917, nombre de bâtiments y furent réquisitionnés pour servir de quartier général impérial ; le 19 décembre de la même année, le Kaiser y recevra le général ottoman Mustapha Kemal.

5 Abréviation familière pour Kommandirande General. Depuis octobre 1916 le général Ernst von Hoeppner (1860-1922) commandait le tout nouveau Luftstreikräfte.

6 Les Brieftauben Abteilung étaient des unités de bombardement regroupant 6 escadrilles et directement rattachés à l’OHL (Haut commandement de l’armée) ; il en existait 2 : Brieftauben Abteilung Ostende (BAO) et Brieftauben Abteilung Metz (BAM et non BAN). Manfred von Richthofen avait servi dans chacun d’eux.

 

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Bague de cigare à l’effigie du maréchal Hindenburg.

 

Le lendemain, je devais me présenter à Hindenburg et à Ludendorff.

Pendant ses heures de réception, Hindenburg était ordinairement assailli par une foule de civils et de gens en uniforme, de sorte que je ne pus lui parler que fort peu.

Ayant dû attendre une heure dans l’antichambre de Ludendorff, j’eus l’occasion d’observer combien cet homme était occupé. Il y avait dans cette pièce une quantité de personnages importants et haut placés. A côté de Ballin 7, un officier de l’état-major général avec un gros paquet de documents ; puis le ministre des Affaires étrangères Bethmann 8 s’était fait annoncer, et Helfferich 9 venait de partir. Une quantité de généraux attendaient une audience, et je venais après.

7 Albert Ballin (1857-1918), directeur de la compagnie transatlantique Hambourg-America (HAPAG).

8 Theobald von Bethmann-Holweig (1856-1921) était en fait chancelier d’Empire depuis la 14 juillet 1909 ; c’est Arthur Zimmermann (1864-1940) qui occupait alors le poste de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.

9 Karl Theodor Helfferich (1872-1924) était secrétaire d’Etat à l’Intérieur.

 

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Timbre de propagande avec le portrait du Kaiser entouré par ceux de Bethmann-Hollweg et d’Helfferich.

 

Au bout d’une heure, l’adjudant de service me fit signe et m’introduisit. Ludendorff se leva et me donna la main, il ne me dit pas : « Comment allez-vous ? vous êtes gros et gras ! » mais me désigna un siège et me demanda : « Comment marche à présent l’aviation près d’Arras ? » Je commençai à lui parler et m’embarquai dans une conversation sans intérêt militaire bien important. Il me coupa simplement la parole et se mit à causer des questions dont je venais de lui faire mention. Je remarquai aussitôt qu’il se plaçait au point de vue général. Lorsqu’il eut appris ce qu’il voulait savoir du fonctionnement de l’aviation de notre principal front de combat d’Arras, il me congédia rapidement. J’en étais bien content, car je me sentais mal à l’aise devant cet homme si sérieux, si compétent et si positif.

 

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Bague de cigare à l’effigie du général Luddendorff.

 

Le soir du 2 mai, Hindenburg était invité pour une fête au Kogen. Ludendorff fit une apparition. J’étais à droite de Hindenburg ; à table il fit un discours en mon honneur, et ce qu’il disait me flattait. Dans le courant de la conversation, il me demanda, de son air bienveillant et paisible qui donne confiance : « Dites-moi, Richthofen, avez-vous aussi été cadet ? » Je lui racontai que j’avais commencé ma carrière militaire à la 2compagnie à Wahlstatt, à la chambrée 6, et le vieux général répondit : « Moi aussi j’ai commencé à jouer au soldat à la chambrée 6, et je lui ai envoyé mon portrait en souvenir. »

 

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Ecole des cadets de Wahlstatt

Bâtiments et cachet de papier de l’école des cadets de Wahlstatt.

 

A midi, le jour suivant, j’étais chez l’empereur. Tout s’est passé comme je me le figurais. Je ne pense pas que je saurais tenir le rôle d’aide de camp, et pourtant le comte Dohna s’en tire, bien que je l’imagine très semblable à moi.

L’empereur s’entretint, après déjeuner, environ une demi-heure avec moi. La conversation ne porta que sur un point, les canons contre-avions.

 

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Guillaume II en conversation avec Manfred von Richtofen, la tête bandée après sa blessure à la tête de juillet 1917.

 

Le soir j’étais de nouveau invité chez Hindenburg. Il y avait autour de la table huit chevaliers de l’ordre « Pour le Mérite ». Je n’en verrais sans doute plus jamais autant réunis, à moins que la guerre ne dure assez longtemps et que cet ordre soit abaissé au rang de la E.K. II 10.

10 Eiseners Kreuz (Croix de fer) de deuxième classe. Ayant été distribuée à plusieurs millions d’exemplaires depuis le début de la guerre, cette décoration avait perdu une partie de son prestige.

L’après-midi du lendemain je me trouvai chez l’impératrice. J’éprouvais la même impression qu’auprès de Hindenburg ; j’avais devant moi une aimable vieille dame, qui me faisait l’effet d’être une vieille tante, ou ma propre grand’mère, et auprès de laquelle on oublierait facilement qu’elle est impératrice.

Le 10 juin, je me rendis auprès du Kogen.

 

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Le roi Ferdinand Ier de Bulgarie (de face en uniforme allemand) et l’empereur Guillaume (en uniforme bulgare) au Grand Quartier Général.

 

Le même jour, le roi des Bulgares 11 était au Quartier Général, et j’eus l’occasion de lui être présenté pendant une visite à l’empereur. C’est un homme très grand, d’aspect imposant, avec un nez d’aigle fortement busqué, et un visage très intelligent. Tout ce qu’il dit est intéressant. Il s’entretint longuement avec moi, me questionnant sur les combats aériens, et je dois dire que j’ai été étonné de voir, jusqu’à quel point il était au courant des choses de mon métier. J’ai rarement trouvé auprès des officiers de l’active, lorsqu’ils n’étaient pas aviateurs, une connaissance aussi approfondie de tout ce qui touche à l’aviation. Je ne crois pas qu’il s’était préparé à cette conversation, ou qu’on l’ait documenté peu de temps auparavant, mais je suppose, au contraire, qu’en tout il a une vue claire des choses.

11 Ferdinand Ier (1861-1948) prince puis roi de Bulgarie. Le 3 octobre 1918, il dut abdiquer en faveur de son fils aîné Boris III.

 

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Ferdinand Ier et son fils aîné Boris (1894-1942) en visite sur le front.

 

Son second fils 12 me plut, il semblait presque un enfant, n’avait certes pas plus de dix-sept à dix-huit ans. Il s’intéressait aux machines et paraissait connaître l’Albatros D III 13. C’est le père qui m’a fait la meilleure impression de toute la famille.

12 Cyrille, prince de Preslav (1895-1945). A l'époque de cette rencontre, il avait 22 ans.

13 Chasseur monoplace entré en service en décembre 1916, son plan d’aile inférieur trop fragile avait tendance à se rompre en vol. Manfred von Richthofen avait connu cette mésaventure le 24 janvier 1917 : « Pendant ce dernier combat, à 300 mètres de hauteur, une de mes ailes s’est brisée ; par un miracle extraordinaire, j’atteignis la terre sans aucun mal » (lettre à sa mère, 27 janvier 1917).

 

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L’albatros D III de Manfred von Richthofen.

 

La table de l’empereur était servie comme d’habitude dans deux salons. Placé entre le grand maréchal de la Cour 14 à ma droite, et le prince de Pless, je remerciai le prince de son invitation pour la chasse à l’aurochs, et m’entretins presque continuellement avec lui. Il me dit qu’il destinait son fils aîné 15 à l’aviation, ce que je considérais comme une résolution particulièrement grave, étant donné les dangers du métier.

14 Georg comte von Kanitz (1842-1922).

15 Hans Heinrich XVII von Hochberg (1900-1984), fils d’Hans Heinrich XV et de sa première épouse Mary Theresa Olivia Cornwallis-West, plus connue sous le nom de Daisy de Pless.

 

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A défaut d’auroch, Manfred von Richthofen lors d’une chasse à l’élan en Prusse orientale.

 

Lyncker père 16, le chef du cabinet militaire, a été tout à fait aimable avec moi. Son fils 17 lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Chaque geste, chaque trait du visage est pareil à celui de son père. Je ne l’ai connu que peu de temps, il était pour moi le modèle du soldat, vrai fils de son père.

Après le repas, le Bulgare s’entretint avec celui-ci, avec celui-là, et aussi avec le fils Falkenhayn. Il ne faisait pas mystère de ses opinions politiques. Plus tard, j’eus l’occasion de parler avec Bethmann, qui était invité comme nous. Le lendemain on me remit, de la part de Sa Majesté le roi des Bulgares, la croix de la Bravoure de première classe.

16 Général Moritz von Lyncker (1853-1932), il était devenu chef du cabinet militaire à la suite du trépas soudain du général Hülsen-Haeseler, dont nous avons rapporté les circonstances tragiques dans un précédent article (16 – Soirée tragique à Donaueschingen).

17 Bodo von Lyncker, né en 1894, avait suivi sa formation de pilote en même temps que Manfred von Richtofen. Il avait été abattu au-dessus de Gjewgjelü en Macédoine le 18 février 1917.

 

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Croix bulgare de la  Bravoure.

 

Le vieux prince de Pless 18 est une belle apparition, d’une stature élégante, bref un beau vieillard. Ses yeux brillent comme ceux d’un vieux chasseur, et, à cheval, il a grande allure. Il a toujours un charmant sourire sur les lèvres, n’a rien de hautain, bref, il fait la conquête de tout le monde. L’empereur le tient en grande estime. Ce qui m’a produit une impression particulière, c’est que cet homme de soixante-seize ans soit monté en avion avec Fritz Falkenhayn 19 pour un vol d’une heure et demie à travers la contrée. Il en était si enthousiasmé qu’en descendant il mit vingt marks dans la main de chaque mécanicien, et serait reparti sur-le-champ. C’est d’autant plus extraordinaire qu’on rencontre une masse d’hommes plus jeunes, chevaliers sans peur et sans reproche, qui ne se décideront jamais à grimper dans un appareil.

18 Hans Heinrich XV von Hochberg (1861-1938), 3e prince de Pless, était alors aide-de-camp du Kaiser. Lors de cette rencontre, le « vieux » prince avait en fait cinquante-six ans, et non soixante-seize comme il est écrit ; exagération de l’auteur ou erreur d’Ed. Sifferlen, traducteur aux éditions Payot ?

19 Fritz von Falkenhayn (1890-1973), fils du général Eric von Falkenhayn chef d’état-major de l’armée allemande de septembre 1914 à août 1916.

 

20 marks ; 2r

Reproduction d’une pièce de 20 marks-or. L’original, d’un diamètre de 22,5 millimètres pesait 7,965 grammes au titre de 900/1000.

 

Je causai encore avec la plupart des aides de camp présents, sans excepter Dohna, qui jusqu’à son troisième voyage sur la Möwe, continua son service d’aide de camp de l’empereur 20.

20 Nikolaus zu Dohna-Schlodien (1879-1956). Officier de marine, il servit pendant la première guerre mondiale sur le SMS Seeadler sous le commandement du légendaire lieutenant-capitaine von Luckner puis commanda le fameux croiseur auxiliaire SMS Möwe (ci-devant cargo bananier Pungo de l’Afrikanissche Fruchtkompanie) ; à son retour de campagnes au début de l’année 1917, il fut nommé en récompense de ses exploits aide-de-camp du Kaiser.

Je lui demandais si son poste lui convenait. Il sourit finement, et ce petit homme effacé me fit, au milieu de tous les autres, la meilleure impression ; visiblement, il n’était pas un courtisan, mais un soldat.

 

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Le comte zu Dohna.


Le comte Frankenberg 21, lui aussi, me plaisait infiniment, lorsque son visage de courtisan redevenait humain. Il me dit quelques paroles remarquables : « Rappelez-vous qu’autour de vous il y a des hommes, et rien que des hommes, avec une mentalité tout simplement humaine, du premier au dernier ». Ce qu’il me dit là me parut vrai.

21 Hans-Heydan von Frankenberg und Ludwigsdorf (1869-1946).

Le reste de la soirée se passa debout, car l’empereur ne s’assied jamais, ce qui rend sa société pénible aux vieux messieurs comme Hindenburg et Ludendorff, lorsqu’ils sont invités chez lui.

 

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Soirée « debout » au Grand Quartier Général. Au premier plan, le Kaiser s’entretient avec Luddendorf, au second plan, Hindenburg est en conversation avec le Kronprinz ; derrière eux, adossé au chambranle, se tient le général von Lyncker.

 

A peine un an plus tard, Manfred von Richthofen était abattu dans des conditions qui sont encore aujourd’hui discutées. Tout comme son exceptionnel tableau de chasse (80 victoires homologuées), cette disparition prématurée à l’âge de 25 ans fit beaucoup pour la légende de ce moderne Achille qui préféra lui aussi une gloire précoce à une longue vie.

 

Corgi

Manfred von Richthofen (figurine de la marque britannique Corgi).

 


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commentaires

S
Merci, très intéressant !
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H
<br /> Le gros Hermann, lui aussi récipendiaire de la médaille "Pour le Mérite" a t'il été lui aussi reçu par Guillaume II ?<br />
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P
<br /> <br /> Cher Hilarion,<br /> <br /> <br /> C'est le Kaiser en personne qui a remis la croix Pour le Mérite à Hermann Göring le 2 juin 1918, à une époque où il fallait par tous les moyens soutenir le moral des troupes engagées dans une<br /> ultime offensive. Guillaume II l'avait-il déjà rencontré au cours de la guerre lors de ses innombrables visites aux troupes ou le rencontra-t-il ensuite avant son abdication, je n'en ai pas<br /> trouvé de trace.<br /> <br /> <br /> Bien plus tard, en janvier 1931, Göring alors député NSDAP au Reichstag et seul complice du caporal bohémien que le souverain en exil accepta de rencontrer ira à Doorn dans l'espoir d'obtenir le<br /> soutien de l'Empereur. Après deux jours d'entretiens parfois orageux, il rentra bredouille en Allemagne.<br /> <br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />

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