Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ce blog est destiné à présenter des documents liés à l'empereur Guillaume II (et non Guillaume 2 comme le veulent certains idéologues qui prennent les gens pour des sots) et à son époque. "Je travaille pour des gens qui sont plus intelligents que sérieux" Paul Féval

225 - Célimène et le Kaiser

225 - Célimène et le Kaiser

Céline Emilie Seurre (1873-1966) est plus connue sous son nom de scène de Cécile Sorel. Sa fort longue carrière lui permit de fréquenter – parfois assez intimement – tout ce qui comptait dans les monde intellectuel, politique et artistique français depuis Maurice Barrès jusqu'au tout jeune Johnny Hallyday à qui elle tenta d'apprendre l'art délicat du baisemain.

Elle commença très jeune dans le théâtre dit « léger », avant d’être engagée au théâtre de l’Odéon en 1899 puis à la Comédie Française en 1901, où elle eut pour rôles fétiches les grandes coquettes, particulièrement celui de Célimène dans Le Misanthrope de Molière d’où le surnom de « Célimène nationale » qui lui fut alors donné par les journalistes. En 1933, au début de la soixantaine, elle n’hésita pas à commencer une nouvelle carrière dans le music-hall au Casino de Paris où, à sa première descente du célèbre grand escalier qui menait au décor, elle lança à Mistinguett venue assister au spectacle un « L’ai-je bien descendu ? » resté dans les annales. A la ville « Célimène » épousa Guillaume-Henri-Robert comte de Ségur-Lamoignon (arrière-petit-fils de la célèbre comtesse), puis prononça en août 1950 ses vœux d’entrée dans le tiers-ordre franciscain – elle fut alors surnommée la « nonne agénaire », sans cesser pour autant de rester une attraction mondaine.

Comme comédienne, son registre fut largement apprécié et loué dans la première moitié du XXsiècle ; il est aujourd’hui totalement passé de mode 1 comme le montre l’enregistrement suivant :

1 Convenons pour être juste que les tendances se démodent vite et que les manières et habitudes de nos actuels acteurs ou metteurs en scène risquent fort de paraître d’ici quelques décennies assez datées, pour ne pas dire ridicules…

Quoi qu’il en soit, Cécile Sorel était reconnue comme une immense artiste avant la Première Guerre mondiale et à ce titre elle fut invitée à effectuer des tournées à l’étranger. Aussi ne faut-il pas s’étonner si à l’automne 1911 le Kaiser l’invita à venir se produire au théâtre royal de Berlin 2. Mais à cette époque avait éclaté le « coup d’Agadir », que nous avons déjà évoqué dans un précédent billet 3

2 Le Königliches Schauspielhaus en temps envisagé par Frédéric II fut finalement achevé en 1821 ; très gravement endommagé pendant la seconde guerre mondiale, il fut entièrement rebâti à partir de 1977 et rouvrit finalement ses portes en 1984 comme salle de concert sous le nom de Konzerthaus.

3 http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/2022/07/201-un-kaiser-raisonnable.html.

Dans cette affaire, l’Allemagne considérant que l’intervention militaire française de mai 1911 contrevenait aux accords signés après la conférence d’Algésiras de 1906 et que les intérêts allemands au Maroc, – sanctionnés par le traité commercial franco-allemand de 1909 – étaient menacés, décida d’envoyer la canonnière Panther en baie d’Agadir. Toutefois, quelles qu’aient été les motivations et l’éventuelle légitimité de la réaction du gouvernement impérial, suite à cette seconde intervention « musclée » de l’Allemagne après le discours du Kaiser à Tanger le 31 mars 1905, la Grande-Bretagne et la Russie se rangèrent aux côtés de la France, où l’opinion publique, tout comme les hommes politiques refusèrent de reculer, ce qui mena l’Europe au bord du conflit tout en donnant une image belliqueuse de l’Empire Allemand. La crise fut finalement résolue par la signature d’un accord franco-allemand en novembre 1911 ; toutefois les inquiétudes des uns et des autres perduraient et ne demandaient qu’à dégénérer de nouveau…

Dans ce contexte, alors qu’elle était la muse de nombreux artistes et politiciens, Cécile Sorel ne pouvait accepter d’emblée d’aller jouer dans la capitale d’un pays que la France considérait comme ennemi. Aussi ne faut-il pas s’étonner si elle s’interrogea en cet automne 1911 agité sur l’opportunité d’accepter l’offre du Kaiser. Elle s’en ouvrit au ministre des Affaires Etrangères de l’époque, Raymond Poincaré, qui ne voulut pas risquer un incident diplomatique avec cette tournée. Dommage ! Comme nous l’avons déjà vu dans certains précédents billets précédents 4, il s’agissait sans doute de la part de Guillaume II d’un de ces petits gestes destinés à essayer de désarmer l’hostilité de la France à l’égard de son empire…

4 Voir http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-18-104248139.html ;  http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-43-avances-a-felix-faure-119051860.html ; http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/2017/07/118-sprechen-sie-franzosisch.html ; http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/2022/02/190-rencontre-en-rade-1/2.html et http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/2022/03/191-rencontre-en-rade-2/2.html

225 - Célimène et le Kaiser

Le Konzerthaus de Berlin (cliché tiré de la notice wikipédia de ce monument).

Aux lecteurs que la vie de mademoiselle Sorel intéresserait, je conseille la lecture de la biographie que lui a consacré Olivier Calon sous le titre Cécile Sorel idole des années folles (Buchet/Chastel ; Paris, 2023). Enfin, pour se faire une bonne idée de l’extravagante personnalité de celle-ci, je rajoute en forme de post-scriptum à ce billet un extrait d’un entretien qu’elle donna en 1965, juste un an avant sa mort :

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article