Preuve paradoxale de sa modernité, Napoléon III fut un pionnier dans le domaine de l’archéologie expérimentale. En effet, dans le cadre de ses recherches sur Jules César – en qui il voyait le précurseur du bonapartisme – il encouragea les recherches sur l’armée romaine de la fin de la période républicaine en général et sur la guerre des Gaules en particulier. Il désigna notamment le commandant Stoffel 1 pour superviser les fouilles de Gergovie et d’Alésia, fit construire sur des plans de Dupuy de Lôme 2 (conseillé par Auguste Jal 3) une reproduction de galère de 130 rameurs et de près de 40 mètres de long et fit réaliser par le colonel de Reffye 4 des reconstitutions de balistes, onagres et autres catapultes.
1 Eugène Stoffel (1821-1907) polytechnicien et officier d’ordonnance de Napoléon III ; il sera nommé attaché militaire à l’ambassade de France à Berlin en 1866, après ses travaux à Alise-Sainte-Reine.
2 Stanislas Charles Henri Laurent Dupuy de Lôme (1816-1885) polytechnicien et ingénieur du génie maritime qui conçut en 1850 le premier navire de ligne au monde à propulsion à vapeur ainsi que du premier cuirassé français en 1852.
3 Auguste Jal (1795-1873) archiviste et écrivain, père de l’archéologie navale en France.
4 Jean-Baptiste Verchère de Reffye (1821-1880) polytechnicien et officier d’ordonnance de Napoléon III ; il mit au point un « canon à balles », ancêtre de la mitrailleuse et contribua à l’introduction en France des canons à âmes rayées ainsi que des systèmes de chargement de ces pièces par la culasse.
Grande baliste reconstituée par le colonel de Reffye (cliché tiré de : https://archeologie.culture.gouv.fr/sources-archeologie/fr/mediatheque/reconstitution-grandeur-nature-dune-baliste).
Nous avons déjà eu l’occasion de voir l’intérêt de l’empereur Guillaume II pour l’archéologie 5. Aussi fut-il intéressé par les travaux du major Erwin Schramm 6 qui, à l’exemple de Napoléon III, s’était lancé dans des tentatives de reconstitution de machines de siège antiques. La nouvelle de ses travaux en poliorcétique étant parvenues jusqu’aux oreilles impériales, Guillaume II profita en juin 1904 de l’un de ses séjours à la Saalburg pour assister à une démonstration menée par Erwin Schramm en personne.
5 Voir : http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-saalburg-81067172.html.
6 Erwinn Schramm (1856-1935) artilleur dans l’armée saxonne et archéologue ; il avait notamment participé au début des années 1900 aux fouilles des vestiges de l’amphithéâtre de Metz (cette ville appartenant depuis 1871 à l’empire allemand).
Le Kaiser lors de la démonstration.
Cette visite faillit toutefois mettre un terme définitif au règne du Kaiser… En effet, comme le montre le court documentaire qui ouvre ce billet, le réglage de la sangle et de la poche qui positionnent et donnent son élan au projectile est très délicat. Et lors de cette visite un boulet fut projeté en l’air, au lieu de glisser le long de la rainure destinée à diriger sa trajectoire, et vint atterrir au plus près de l’auguste visiteur, heureusement sans mal : tout allait bien qui finissait bien. D’ailleurs Guillaume II n’en tint pas rancune au major Schramm puisque ce dernier fut promu lieutenant-colonel dès l’année suivante et sera finalement nommé général de division en 1915.
Le général Erwin Schramm (cliché tiré de : http://prussianmachine.com/divb/schramm.htm).
Annexe
L’image de ce boulet venant possiblement se poser sur le casque impérial a-t-elle inspiré André Franquin pour le célèbre bilboquet-casque à pointe 7 de Gaston Lagaffe ? J’avoue ne pas le savoir et je laisse à chacun le soin de se faire un avis à ce sujet…
7 Sa base, trouvée par Gaston dans le grenier de sa tante Hortense, est un casque modèle 1905/1906 d’un régiment prussien, du fait de la présence de l’aigle comme plaque frontale.
Figurine Hachette.