En ce jour de commémoration des défunts, permettez-moi de vous proposer une série de cartes postales de propagande éditée en Allemagne pendant le premier conflit mondial. On ne manquera pas de noter qu’à côté du respect dû aux morts, elles ne manquent pas de souligner l’absence de responsabilité du Kaiser dans le déclenchement du conflit.
« Je n’ai pas voulu cela ! »
Une carte du même type que la précédente, si ce n’est que le Kaiser s’est découvert.
« Hommage aux héros ».
La sollicitude impériale s’étendant aux veuves et aux orphelins : « Avec les Pères et les mères, je partage la douleur des Veuves et des Orphelins à l’égard des Etres chers morts pour la Patrie ».
En complément à ces cartes officielles, permettez-moi de vous soumettre ces quelques lignes écrites en août 1928 lors d’un voyage entre Trèves et Reims par le comte Harry Kessler, anciens officiers de l’armée impériale :
On devrait faire un sanctuaire de toute cette contrée entre Verdun et Reims, un lieu de pèlerinage pour toute l’Europe, où chaque année des trains déverseraient des pèlerins venants de tous les coins de la terre, pour condamner la guerre et glorifier la paix, et pour s’unir dans la prière devant la grandiose cathédrale mutilée.
Jusqu’à présent, en fait de pèlerins, on ne voit débarquer des trains que des touristes, surtout des Américains avec des appareils photographiques et un programme surchargé de « sightseeing », profanant ce paysage comme une vermine répugnante. Goertz et moi sommes partis, où plutôt nous nous sommes enfuis, de plus en plus horrifiés et bouleversés.
Tout ce paysage, champ catalaunique d’Attila, ce site de Valmy que nous venons de traverser, et pour finir le champ de bataille de la Marne, a accompli son destin, qui s’est gravé dans son aspect. Il faudrait maintenant le visiter dans le même esprit que les Grecs allaient voir les terribles héros de leur mythologie représentés dans leurs tragédies, pour que leur âme en fût bouleversée et purifiée. 1
1 Comte Harry Kessler Cahiers 1918-1937 (Grasset ; Paris, 2011) p. 300.
Timbre français de 1950.
Enfin, nous ne pourrions clore cette évocation du respect dû à la mémoire des victimes de ce conflit sans citer les vers prémonitoires écrits en décembre 1913 par Charles Péguy, mort pour la France à Villeroy (Seine et Marne) le 5 septembre 1914 :
Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle.
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l’appareil des grandes funérailles
Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles,
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles.