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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 10:58

 

 

 

Même s’il restait nostalgique des fastes du passé, le Kaiser avait aussi le goût des progrès techniques. De ce fait, dans le domaine militaire, il ne pouvait ignorer les leçons de conflits tels que la guerre des Boers ou la guerre russo-japonaise.

 

 

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Guillaume II s'entretenant avec des officiers ; à gauche des jumelle binoculaires, on reconnait la haute stature du général von Moltke.

 

Un observateur aussi attentif que Winston Churchill, invité de nouveau aux manœuvres impériales de 1909, observe ainsi l’évolution depuis son expérience de septembre 1906 (Réflexions et Aventures, pp. 87-88) :

Les manœuvres de Wurtzbourg révélèrent un grand changement dans la tactique allemande. Un progrès remarquable était intervenu : les formations d’infanterie avaient été modernisées et adaptées aux véritables conditions de la guerre. On ne répéta point les absurdités des manœuvres silésiennes. On ne vit que rarement – sinon plus du tout – évoluer des troupes en masses compactes. L’artillerie n’était pas disposée en longues lignes, mais répartie, selon les besoins, en tenant compte de la configuration du terrain. Le champ de bataille était beaucoup plus vaste. C’est à peine si la cavalerie se montrait et, quand elle le faisait, ce n’était que sur les flancs des troupes d’infanterie. Celles-ci progressaient par vagues successives et partout les mitrailleuses avaient commencé de jouer un rôle prépondérant. Aux yeux des observateurs anglais ces formations apparaissaient beaucoup trop serrées encore, étant donné les conditions de la guerre moderne ; cependant le progrès était énorme, si l’on songeait aux manœuvres de 1906. En fait, je crois que c’est avec de telles formations que, cinq ans plus tard, l’armée allemande entra dans la Grande Guerre. Elles devaient se révéler d’une efficacité supérieure à celles de l’armée française.

 

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Dans une lettre à sa femme datée du 16 septembre 1905, le général von Moltke pouvait écrire (Mémoires lettres et documents, p. 208) :

Les manœuvres ont fort bien tourné pour moi 1. Elles exerceront certainement une action décisive sur ma destinée ultérieure. Le Kaiser a accédé  à toutes mes demandes il n’a pris aucun commandement malgré le dépit qu’il a dû en éprouver ; il n’est pas intervenu au cours des combats et ne s’est livré à aucune fantaisie. Nous nous sommes souvent chamaillés, mais j’ai toujours trouvé en lui un maître bienveillant et jamais il ne m’en a voulu de ma franchise. Après ces expériences, j’envisagerais l’avenir avec plus de tranquillité, si je ne savais pas que les principales difficultés ne surgiront pour moi que lorsque j’aurai pris définitivement possession du poste que le Kaiser m’a réservé 2 ! Jusqu’à présent il s’est toujours méfié de moi ; il me sentait toujours sur le point de lui échapper, mais avec mes nouvelles fonctions je porterai une chaîne où mes convictions se heurteront et se briseront, et il est difficile de rompre les fers que l’on s’est laissé mettre sans résistance. Le Kaiser m’a décerné un insigne très élevé, ce qui me serait assez indifférent, mais contre tous les usages, il a promulgué cette faveur dans un ordre de cabinet.

1 La chronologie est cruelle… C’est en effet un an après cette lettre que se déroulent les manœuvres silésienne dont nous avons donné dans le précédent article le récit critique laissé par Winston Churchill. Considérons donc que le satisfecit que se décerne le général von Moltke porte sur le comportement du Kaiser plus que sur le réalisme des manœuvres.

2 Guillaume II allait nommer Moltke chef d’Etat-major.

 

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A l’issue des manœuvres, le Kaiser m’appela et me serra la main en me disant : « J’éprouve le besoin de vous remercier. Ce n’est pas là une formule de politesse, mais l’expression sincère de ma pensée. Je n’ai jamais assisté à des manœuvres aussi intéressantes et si semblables à la guerre que celles que je viens de suivre. J’aurais aimé exprimer ces remerciements au cours de ma critique des manœuvres, mais j’ai craint que cela ne vous fût pas agréable. »

 

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Et, dans une lettre à sa femme du 19 septembre 1909, il écrit à propos des manœuvres de Wurtzbourg évoquées plus haut par Winston Churchill (Mémoires lettres et documents, p. 211) :

Mes manœuvres ont bien marché ; je suis en somme content.

J’ai été d’accord avec Sa Majesté ; parfois je me suis fait de la bile ; mais finalement je n’ai pas eu lieu de me plaindre. Le Kaiser, très satisfait, m’a décerné l’insigne de l’Aigle Noir 3, comme tu as dû l’apprendre par les journaux. J’en étais véritablement gêné. L’oncle Helmuth 4 a dû mener une victorieuse campagne pour obtenir cette suprême distinction prussienne. Pour nous, Epigones, trois jours de manœuvre suffisent.

3 Principal ordre honorifique du royaume de Prusse, créé le 17 janvier 1701 par le prince-électeur Frédéric III de Brandebourg à la veille de son couronnement comme premier roi de Prusse.

4 Helmuth Karl Bernhard von Moltke (1800-1891), maréchal, chef de l’Etat-major de 1857 à 1888, est le principal responsable des succès militaires qui aboutirent à la création de l’Empire allemand.

 

Hoge Orde van de Zwarte Adelaar Pruissen

Etoile et Croix de l’Ordre de l’Aigle Noir, le cordon en était de couleur orange

(photographie de Robert Prummel dans Wikipedia).

 

Je me porte à ravir. J’ai reçu force compliments à propos des manœuvres, mais je n’en fais pas grand cas. Je ne connais pas encore le jugement de la presse. Mon ami G… 5 m’aura sans doute traité encore de parfait idiot. – L’archiduc François-Ferdinand, l’héritier présomptif autrichien, était tout à fait enthousiasmé, d’après ce qu’il dit, et j’ai été particulièrement heureux que mon collègue autrichien, le général Conrad von Hötzendorff 6, ait témoigné une vive satisfaction. Quant à l’attitude du Kaiser, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de m’en réjouir sincèrement. Il a suivi mes suggestions et a répété en particulier, dans les conclusions de sa critique, ce que je lui avais exposé, mais il n’est pas sorti du terrain technique. Cette critique, la meilleure que j’ai jamais entendue de sa bouche, a plongé tout le monde dans l’admiration.

5 Je n’ai malheureusement rien trouvé qui me permette d’identifier ce G…

6 Franz Conrad von Hötzendorf (1852-1925) fut chef d’Etat-major de l’armée impériale et royale austro-hongroise de 1906 à juillet 1918.

 

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Le Kaiser avec le général von Moltke.

 

Même si nous pouvons légitimement considérer que le général von Moltke exagère un peu le succès de ses manœuvres dans sa correspondance privée, il ne fait aucun doute que l’armée allemande avait parfaitement assimilé les leçons des premiers conflits du XXe siècle. Preuves en est l’hommage que Winston Churchill lui a rendu au premier tome de sa Crise mondiale :

Quatre années durant, l’Allemagne a combattu et défié les cinq continents sur terre, sur mer et dans les airs ; les armées allemandes ont soutenu des alliés vacillants, elles sont intervenues victorieusement sur tous les théâtres d’opérations, se sont maintenus sur tous les territoires conquis, et ont infligé à leurs ennemis plus de deux fois les pertes qu’elles ont-elles-mêmes subies. Pour briser leurs forces et arrêter leur élan, il a fallu faire entrer en lice les plus grandes nations du monde. Pendant cinquante mois, une supériorité numérique écrasante, des ressources illimitées, des sacrifices incommensurables et un blocus naval n’ont pu en venir à bout. Des petits Etats ont été piétinés au cours de la lutte ; un puissant Empire a éclaté en fragments méconnaissables ; et près de vingt millions d’hommes ont péri ou versé leur sang avant que l’épée ne soit arrachée de cette main redoutable. Assurément, Messieurs les allemands, c’est bien suffisant pour sauvegarder votre honneur devant l’histoire ! 

 

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Un officier en conversation avec le Kaiser ; il porte le couvre-casque blanc rayé de rouge qui identifiait l'un des deux camps participant aux manoeuvres.

 


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