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2 août 2014 6 02 /08 /août /2014 14:42
70 - Son dernier coup d'archet / His last bow

Sherlock Holmes à la retraite (illustration de Sidney Paget pour The Adventure of the Lion’s Mane).

Alors que la manie commémorative souffle avec force cette année, personne ne semble avoir noté que nous célébrons aujourd’hui le centenaire de la conclusion de la dernière enquête de Sherlock Holmes. Corrigeons donc cet oubli.

A la différence d’Arsène Lupin, Sherlock Holmes n’a jamais eu la chance de rencontrer personnellement le Kaiser 1. Mais, une fois le premier conflit mondial déclaré Conan Doyle, en bon patriote, ne pouvait manquer d’enrôler son héros au profit de l’effort de guerre britannique. Aussi publia-t-il en 1917, dans le mensuel Strand Magazine, une nouvelle intitulée His Last Bow 2. Bien évidemment, je ferai mon possible dans ce qui suit pour ne pas révéler les péripéties de ce court récit (environ une demi-heure de lecture au bureau…) afin que le lecteur qui voudrait s’y reporter puisse conserver tout le plaisir de la découverte.

1 Du moins dans le canon officiel des œuvres de Conan Doyle.

2 Ce titre est généralement traduit en français par Son dernier coup d’archet. Toutefois, en anglais (langue subtile, à la différence de l’américain), le mot bow peut aussi bien faire référence à un archet qu’à un adieu.

 

On se rappelle que depuis 1907 Sherlok Holmes a pris sa retraite comme détective et s’est installé dans le sud de l’Angleterre où il s’adonne à l’apiculture 3. Mais la situation politique mondiale s’aggravant, il est contacté en 1912 par le Ministère des Affaires étrangères pour démasquer un très efficace réseau d’espions travaillant pour le compte de l’Allemagne 4. Devant son refus, le premier ministre britannique lui-même se déplace pour le convaincre 5.

3 Voir la nouvelle La Crinière du lion dans le recueil Les Archives de Sherlock Holmes.

4 Edouard Grey (1862-1933), 1er vicomte de Fallodon, fut secrétaire d’Etat de 1905 à 1916. On ne trouve malheureusement pas trace de ce déplacement dans les mémoires de celui-ci.

5 Herbert Henry Asquith (1852-1928), 1er comte d’Oxford et Asquith, fut premier ministre de 1908 à 1916. On ne trouve pas plus de trace de ce déplacement dans les mémoires de celui-ci que dans les mémoires d’Edward Grey…

Commence alors une longue préparation pour créer une nouvelle identité à Holmes, ce qui va lui permettre d’être embauché par un agent de herr von Bock, chef du réseau d’espionnage allemand et « sans rival, pour ainsi dire, parmi tous les dévoués agents du Kaiser ».

70 - Son dernier coup d'archet / His last bow

Les falaises et le bord de mer de Davenport, dominant le port de Harwich.

La nouvelle à proprement parler se déroule dans la résidence de von Bock sur des falaises ayant vu sur le port de Harwich dans le comté d’Essex 6 le soir du 2 août 1914, jour fatidique où les troupes allemandes rentrèrent au Luxembourg. Von Bock, qui a renvoyé son épouse et ses domestiques à Flessingue en prévision de la guerre à venir, y reçoit un de ses amis de l’ambassade allemande à Londres, le baron von Herling, avec qui il s’entretient de ses activités ainsi que de son prochain départ d’Angleterre dans la suite de l’ambassadeur.

6 Port sur la mer du Nord et base navale importante, seul mouillage protégé entre la Tamise et la Humber.

Dans le courant de leur conversation, nous apprenons que von Bock s’est procuré en quatre ans des renseignements intéressants sur la Manche, le port de Rosyth, les défenses côtières anglaises, l’aviation britannique, les forts de Portsmouth ou encore l’Irlande, qu’il conserve dans un coffre-fort au mécanisme singulier. Mais il lui reste encore à recevoir le code des signaux de la Royal Navy que son meilleur agent doit venir lui remettre après le départ du baron von Herling. Peu après, Sherlock Holmes réussit à le capturer et lui révèle alors le rôle qu’il a joué depuis le début de cette affaire ; puis il « l’embarque » avec Watson sans autre forme de procès pour le ramener à Londres.

70 - Son dernier coup d'archet / His last bow

La capture de von Bock par Sherlock Holmes (illustration de Sidney Paget).

Autant qu’une nouvelle policière remettant en selle son héros le plus connu, Conan Doyle a donné là une œuvre de propagande, comme le souligne le fait qu’elle soit écrite à la troisième personne et non présentée comme un récit fait par le docteur Watson. Trois thèmes, habilement introduits dans cette nouvelle sont à souligner :

1) la crainte (sans doute exagérée) de l’espionnage allemand en Angleterre, marquant le caractère malfaisant et lâche du pays contre lequel l’empire britannique était en guerre ;

2) le thème de la préméditation de la déclaration de guerre par l’Allemagne évoquée presque en passant par le code permettant d’ouvrir le coffre-fort de von Bock ;

3) la menace intérieure possible du fait de la situation en Irlande (l’insurrection de Pâques 1916 à Dublin était encore dans l’esprit de tous les lecteurs), que Conan Doyle, bourgeois anglican et loyaliste, ne pouvait manquer de dénoncer, ainsi que le risque représenté par la haine des américano-irlandais pour l’Angleterre 7.

7 On ne peut manquer de penser au cas d’Eamon de Valera (1882-1975), citoyen américain impliqué dans l’insurrection de Pâques puis président de la république d’Irlande qui ira jusqu’à présenter officiellement ses condoléances à l’ambassadeur d’Allemagne à Dublin en mai 1945 à l’annonce de la mort de Hitler.

Cette nouvelle n’a donné lieu qu’à une seule adaptation cinématographique muette et en noir et blanc en 1923, par George Ridwell (1867-1935) avec Eille Norwood (1861-1948) dans le rôle du célèbre détective. Toutefois, avatar curieux, cette nouvelle fut transformée par Universal Pictures Company en 1942 sous le titre de Sherlock Holmes and the voice of terror (La Voix de la terreur) avec l’incontournable Basil Rathbone dans le rôle de Holmes ; pour mieux coller à l’actualité du moment, Sherlock Holmes n’y combattait plus un espion au service du Kaiser mais un agent hitlérien, dénommé Heinrich von Bork 8.

8 Dans sa nouvelle, Arthur Conan Doyle ne donne jamais le prénom de l’espion allemand.

70 - Son dernier coup d'archet / His last bow

Affichette dédicacée de La Voix de la Terreur.

Si, à la fin de cet article, j’ai réussi à vous donner envie de lire cette ultime aventure de Sherlock Holmes, courrez acheter le recueil de nouvelles qui porte ce titre, ou contentez-vous d’aller sur le site :

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