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1 avril 2022 5 01 /04 /avril /2022 08:01

Il y a cent ans de cela disparaissait Sa Majesté l’empereur et roi Charles François-Joseph de Habsbourg, à l’âge de 34 ans.

Arrivé au pouvoir au milieu de la première guerre mondiale, le début de son règne fut accueilli avec espoir. Le prince Louis Windischgraetz 1 écrivit à cette occasion : « Tout le monde était ravi de Charles. Sa jeunesse, son sourire, ses manières ouvertes, gaies et naturelles, lui créaient partout des amis ; c’était là un sentiment honnête, qui n’avait rien à voir avec la course honteuse qui commençait déjà de ceux qui aspiraient aux faveurs du roi, qui attendaient de lui une décoration, un titre, une place, un bénéfice » 2. Et il ajoute : « Le roi Charles se débarrassait peu à peu d’une manière assez habile des anciens suppôts de l’empire. Il avait bon cœur. Mais celui qu’il renvoyait, il le renvoyait pour de bon. Il voulait des appuis nouveaux, jeunes autant que possible » et « La mentalité démocratique de Charles IV 3 lui avait fait inscrire pour but, en tête de son programme, l’introduction dans ses Etats d’un régime foncièrement libéral. Le monarque voulait instaurer la justice et la liberté, il voulait de plus donner, à ces classes de la population qui avaient le plus souffert de la guerre, la possibilité d’exprimer leur opinion. Mais la question du droit de vote avait revêtu maintenant le caractère d’une basse lutte politique, dont les partis, les factions, et les individus cherchaient à profiter pour satisfaire leurs visées personnelles ou leur ambition » 4. Très influencé par la doctrine sociale de l’Eglise, il fut ainsi le premier chef d’Etat a créer un ministère des affaires sociales, et cela en pleine guerre mondiale. Il fut aussi le seul dirigeant d’une des puissances belligérantes (alliés inclus) à souhaiter la paix et à sincèrement tenter de négocier en ce sens.

1 Ludwig Alfred Viktorin Aurel Markus Felizian zu Windischgraetz (1882-1968) prince autrichien, servit comme officier pendant la guerre russo-japonaise, la première guerre balkanique et la première guerre mondiale ; il devint ministre de l’alimentation du royaume de Hongrie à l’extrême fin du conflit. Opposé au gouvernement de François-Joseph, il collabora aux tentatives de réforme de l’empereur Charles.

2 Mémoires du prince Louis Windischgraetz (Payot ; Paris, 1923)  p 123.

3 L’empereur Charles Ier d’Autriche était parallèlement le roi Charles IV de Hongrie et le roi Charles III de Bohème.

4 Mémoires du prince Louis Windischgraetz p. 133 et 136.

La voix de celui qui n’était alors que prince héritier résonne dans cet enregistrement de 1915 :

« J’ai été sur tous les fronts avec toutes les unités de notre glorieuse armée. J’ai vu toutes les nationalités de la vaste monarchie, dans la plus grande harmonie, allant vers un grand objectif : une paix glorieuse. Dans les yeux de tous les soldats ont pouvait lire la pugnacité et la confiance en la victoire. Des expressions d’une confiance absolue  pour le chef suprême affecté à la conduite de cette guerre 5 et une foi sans limite en Dieu sortaient de la bouche de chacun de ces héros. Les héros de l’arrière étaient aussi admirables, dans leur patient silence, tant ceux qui ont perdu leurs bien-aimés pendant la guerre que ceux qui vivent dans une peur constante pour leurs proches. Appropriée à ce temps est l’aide de guerre, où tous, ceux qui ne peuvent défendre la patrie eux-mêmes l’épée à la main s’efforcent de soulager les dures souffrances des guerriers pleins de bravoure par d’infinis efforts. Viribus Unitis 6 ».

5 Il s’agit bien évidemment de l’Empereur et Roi François-Joseph.

6 Devise personnelle de l’Empereur et Roi François-Joseph, soulignant l’unité de ses Etats.

193 - In memoriam Charles Ier d'Autriche

Malheureusement, sa popularité initiale et ses bonnes intentions n’ont pas été suffisantes : ses offres de paix aux Alliés, indépendamment de l’hostilité manifestée d’emblée par Clemenceau, ont été torpillés par certains de ses ministres et l’ont rendu suspect à son allié allemand ; ses tentatives de réforme de la double monarchie ont été combattues par une partie de la classe politique austro-hongroise ; la crise du ravitaillement dans ses Etats s’est aggravée au point que, en dépit de ses efforts, la disette a largement touché ses peuples ; enfin, la situation militaire est devenue si intenable en 1918 que même les Italiens (certes aidés par l’armée française en Italie du général Graziani 7) étaient parvenus à vaincre l’armée impériale et royale.

7 Jean César Graziani (1859-1932) bien que général français et commandant des troupes françaises en Italie avait été nommé chef de la XIIe armée italienne avant la bataille de Vittorio Veneto.

Aussi, pris dans la grande débâcle des puissances centrales, il se résolut à renoncer au pouvoir – sans toutefois abdiquer – puis se retira au château d’Eckartsau en Basse-Autriche le 12 novembre 1918. Inquiet de sa présence les tristes politiciens du gouvernement provisoire qui l’avaient remplacé le forcèrent à s’exiler en Suisse le 23 mars 1919, avant de faire voter le 3 avril de la même année une loi bannissant tous les membres de la famille de Habsbourg de leur république étriquée, sans oublier de confisquer leurs biens ; cette politique de confiscation fut d’ailleurs suivie par les nouveaux petits états issus de l’éclatement de la monarchie. Avec le soutien du Pape, l’empereur Charles tenta par deux fois de restaurer à son profit la couronne de Hongrie mais il se heurta à chaque fois à l’hostilité de l’amiral Horthy, ancien chef de la marine impériale et royale et régent autoproclamé du pays, qui le livra finalement aux Britanniques lesquels, en accord avec les autres puissances alliées, l’exilèrent à Madère. C’est finalement là qu’il est mort des suites d’une pneumonie.

Le 3 octobre 2004, le Pape Jean-Paul II (dont le père avait été sous-officier dans l’armée austro-hongroise) a béatifié l’empereur et roi Charles pour ses tentatives de paix lors de la première guerre mondiale ainsi que pour son soutien à la médiation proposée par le Pape Benoit XV aux différents belligérants tout au long du conflit ; sa fête a été fixée au 21 octobre, date anniversaire de son mariage avec la princesse Zita de Bourbon Parme (dont le procès en béatification a débuté en 2009).

193 - In memoriam Charles Ier d'Autriche
193 - In memoriam Charles Ier d'Autriche

Un grand merci à Franck Sudon pour son aide en matière de traduction.

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