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29 mai 2016 7 29 /05 /mai /2016 10:07
105 - Commémoration

Carte de la place fortifiée de Verdun.

En ce jour de commémoration officielle où les motivations politiques semblent l’emporter sur la célébration des combattants qui, dans les deux camps, supportèrent avec constance des épreuves inouïes, je ne peux m’empêcher de rapporter ici les mots du comte Harry Kessler – lui-même ancien officier de l’armée impériale allemande – sur le devoir de mémoire :

24 août 1928

Voyage à travers le Luxembourg, de Longwy à Verdun, et puis par la Champagne, de Verdun à Reims. Les villages incendiés sur les hauteurs de Verdun sont le prélude de paysages réellement bouleversants. De Verdun à Reims où sur presque cent kilomètres s’étend depuis des siècles un désert presque total, le paysage vous enveloppe d’abord de terreur. Puis, peu à peu, au fur et à mesure qu’on le parcourt, kilomètre après kilomètre, on se met à songer à la campagne romaine avec les cimetières militaires, les arbres qui dressent leurs bras calcinés vers le ciel, les fermes brûlées et en ruine, et au bas les lignes de crêtes crayeuses, blanchâtres et grises. Oui, on pense, à cause de ce tragique du lieu, à la « campagna » de Rome, ou, plus exactement, à la Campagna telle qu’elle a dû être il y a des siècles, quand rien n’y avait encore été bâti.

La terreur et l’émotion se succèdent en nous au cours de cette contemplation. Les petites croix blanches serrées les unes contre les autres dans ces cimetières militaires, des milliers, oui, des milliers, font un effet chétif et presque mesquin. Ce qu’on entend, ce qui vit dans ce paysage, c’est le cri de vengeance des âmes des morts, demandant un châtiment non pas parce qu’ils sont morts ici, mais contre les coupables de ce crime ; c’est un avertissement éternel, une exigence de paix.

Et puis comme point final, brusquement Reims, avec sa cathédrale blessée, terriblement torturée, comme lessivée par le feu, avec ses pierres rougies, comme si elle avait été engloutie pendant des siècles au fond de la mer ; immense, bouleversante, d’un pathétique terrible, et pourtant encore d’une beauté sublime dans sa mutilation ! On devrait faire un sanctuaire de toute cette contrée entre Verdun et Reims, un lieu de pèlerinage pour toute l’Europe, où chaque année des trains déverseraient des pèlerins venants de tous les coins de la terre, pour condamner la guerre et glorifier la paix, et pour s’unir dans la prière devant la grandiose cathédrale mutilée.

Jusqu’à présent, en fait de pèlerins, on ne voit débarquer des trains que des touristes, surtout des Américains avec des appareils photographiques et un programme surchargé de « sightseeing », profanant ce paysage comme une vermine répugnante. Goertz et moi sommes partis, où plutôt nous nous sommes enfuis, de plus en plus horrifiés et bouleversés.

Tout ce paysage, champ catalaunique d’Attila, ce site de Valmy que nous venons de traverser, et pour finir le champ de bataille de la Marne, a accompli son destin, qui s’est gravé dans son aspect. Il faudrait maintenant le visiter dans le même esprit que les Grecs allaient voir les terribles héros de leur mythologie représentés dans leurs tragédies, pour que leur âme en fût bouleversée et purifiée. 1

1 Cahiers (1918-1937) (Grasset ; Paris, 2011) pp. 299-300.

Pour illustrer la différence entre nos actuelles célébrations où tout est permis puisqu’il n’y a plus d’anciens combattants du premier conflit mondial et des temps où leur présence imposait le respect, nous conclurons par des images prises au moment des célébrations du cinquantenaire de la bataille de Verdun. « O tempora, o mores » n’aurait pas manqué d’écrire Cicéron…

En conclusion et en guise d’hommage aux derniers survivants de ce conflit sanglant, je me permets de vous conseiller la lecture du beau livre de Didier Pazery dont la couverture servira d’illustration finale à ce billet.

105 - Commémoration
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30 avril 2016 6 30 /04 /avril /2016 13:10
104 - Changement d'heure

Le principe du changement d’heure remonte à la plus haute antiquité, comme le montre le système romain de décompte du temps. La journée y était divisée en douze heures, 6 heures diurnes et 6 heures nocturnes, de durée variable selon la saison : ainsi, « l’heure » diurne avait une durée de 44 minutes en décembre et de 75 minutes en juillet alors que « l’heure » nocturne évoluait de façon opposée. Peu à peu, ce système fut abandonné pour en venir à des heures identiques de 60 minutes telles que nous les connaissons actuellement.

104 - Changement d'heure

Benjamin Franklin (timbre publicitaire pour la margarine Rheinperle).

Benjamin Franklin, alors envoyé des Etats-Unis auprès de la cour de Versailles, fut le premier à suggérer la possibilité de décaler les horaires pour faire des économies dans un article publié dans le Journal de Paris du 16 avril 1784. Il y calculait très précisément que le gain réalisé par la seule population de Paris s’élèverait à 96.075.000 de livres pour un semestre. Cette idée fut reprise en 1895 par l’astronome et entomologue néo-zélandais George Hudson (1867-1946) puis par l’entrepreneur britannique William Willet (1856-1915) qui, en 1907, s’était lancé dans une campagne de lutte contre le « gaspillage de la lumière ». Aucune de ces trois propositions n’eut de suite immédiate – même si William Sword Frost, maire de la petite ville canadienne d’Orillia (Ontario) en fit l’essai en 1911-1912.

104 - Changement d'heure

Le général von Moltke (à gauche) et le Kaiser.

A la fin de l’année 1914, alors que le mythe d’une guerre courte avait fait long feu, les différents belligérants comprirent qu’il fallait organiser l’économie (à tous les sens de ce terme) pour poursuivre la guerre. Ainsi, le 10 janvier 1915, le général von Moltke, débarqué de son commandement après la bataille de la Marne et relégué aux questions des réserves, écrivait-il au Kaiser :

J’informe Votre Majesté avec tout le respect que je lui dois que j’ai remis aujourd’hui au chancelier du Reich un rapport sur la question des produits alimentaires. Je prie très humblement Votre Majesté de se faire renseigner sur les questions et propositions soulevées dans ce rapport. La question du ravitaillement de l’armée et de la nation est si grave que je me suis senti obligé de la mettre en discussion.

Je suis entré en relations avec de nombreuses autorités dans le domaine du ravitaillement en denrées ; partout on a soutenu l’opinion que l’on n’évitera pas une grave crise, si l’on ne prend pas sans retard les mesures les plus énergiques. 1

1 Helmut von Moltke Mémoires, lettres et documents (Payot ; Paris, 1933) p. 244.

104 - Changement d'heure

Aussi, étranglée par le blocus naval imposé par l’Entente qui l’empêchait d’importer vivres, matières premières et produits manufacturés, l’Allemagne fut la première puissance à instaurer un saut d’une heure dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1916. Cette mesure permettait d’économiser le charbon nécessaire à la production d’énergie, afin de le réserver à la production militaire, ainsi que le montre la carte postale de propagande ci-dessous, portant la devise : « Mars gouverne l’heure » ; compte tenu de la suite de l’histoire allemande, le fait de rajouter « Rabbi ben Akiva 2 a tort / cela ne s’est jamais vu » ne manque pas d’être inquiétant…

2 Sage juif né au Ier siècle de notre ère et exécuté par les Romains au moment de la révolte de Bar Kokhba ; il est considéré comme l’un des fondateurs du judaïsme rabbinique et la Mishna Yevamot (16, 7) rapporte qu’il introduisit un mois supplémentaire dans le calendrier des Juifs de Babylone. Le commentaire ironique de la carte fait probablement allusion à une anecdote ou à un enseignement rapporté par la tradition juive.

104 - Changement d'heure

Comme l’idée était bonne en ces temps de rationnement, elle fut reprise par la majorité des pays en guerre. Ainsi, l’Angleterre l’adopta dès le 21 mai 1916 sous le nom de British Standard Time. En France, l’heure d’été fut instaurée à l’initiative d’André Honnorat (1868-1950), alors député des Basses-Alpes très impliqué dans la lutte contre la tuberculose et futur fondateur de la cité universitaire internationale de Paris, le 14 juin 1916 ; notons en passant que comme bien d’autres mesures présentées comme temporaires par l’administration, ce passage à l’heure d’été ne prit fin dans notre beau pays qu’en 1945. Enfin, les deux derniers belligérants à adopter ce système furent la Russie en 1917 et les Etats-Unis en 1918.

104 - Changement d'heure

Carte postale avec le timbre français émis en 1960 en l’honneur d’André Honnorat.

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4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 18:11
103 - SMY Hohenzollern (3/3)

Les chantiers Vulcan de Stettin.

Dès 1910, l’idée de lancer un nouveau yacht impérial se fit jour et les plans en furent dressés en 1912-1913. Ce bâtiment devait avoir une longueur de 137 mètres, une largeur de 19 mètres, une hauteur de 12,4 mètres au dessus de la ligne de flottaison et un tirant d’eau de 6,4 mètres, pour un volume total de 8.094 tonneaux ; sa propulsion aurait été assurée par trois turbines à vapeur développant 15.000 CV pour actionner trois hélices de 2,20 mètres de diamètre pouvant lui permettre d’atteindre une vitesse de 21 nœuds (39 km/h).

La quille en fut posée en 1913 aux chantiers AG Vulcan de Stettin, avec un lancement prévu pour le 3 août 1914 ; toutefois une grève retarda cet événement jusqu’en septembre et il s’effectua sans décorum particulier du fait du premier conflit mondial qui venait d’éclater. La coque qui avait été lancée ne possédait ni appareil propulsif, ni aménagement intérieur. En mai 1915, les travaux n’ayant pas repris sur le bâtiment, la coque fut déplacée sur un bras de l’Oder afin de permettre aux chantiers Vulcan d’accueillir des navires de guerre.

Confisquée par les autorités de Weimar, la coque fut rayée des listes des listes de la Marine le 17 septembre 1919 puis ferraillée à Kiel en 1923.

103 - SMY Hohenzollern (3/3)
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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 16:01
102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Carte postale gaufrée du second Hohenzollern.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Ainsi que nous l’avons vu dans le précédent billet, un nouveau yacht impérial était devenu nécessaire pour manifester les ambitions maritimes du Kaiser. Ce bâtiment fut donc mis en chantier à Stettin par AG Vulcan. Il mesurait 122 mètres de long pour une largeur de 14 mètres au maître bau et un tirant d’eau de 6,21 mètres. D’un déplacement maximal de 4.460 tonnes, il pouvait atteindre une vitesse maximale de 21,5 nœuds (40 km/h) grâce à sa machine à vapeur de 10.042 CV actionnant deux hélices à 4 pales de 4,5 mètres de diamètre.

Le Hohenzollern à l’écluse d’Altenau du Kaiser Wilhelm Canal.

Comme son prédécesseur, le nouveau Hohenzollern pouvait aussi utiliser des voiles en cas de besoin, toutefois leur faible surface n’en faisait qu’un élément d’appoint bien maigre pour la propulsion.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Photographie d’un journal d’époque montrant le bâtiment sous voile.

Mis sur cale en juin 1891, il fut mis à l’eau le 27 juin 1892 et admis en service le 8 avril 1893. Son lancement avait donné lieu à un étrange incident que rapporte Alfred von Kiderlen-Waechter à l’ambassadeur von Radowitz :

Vous aurez lu sans doute qu’hier à Stettin nous n’avons pas eu de chance pour le baptême du Hohenzollern. On avait voulu faire un lancement trop élégant, le navire devant glisser très lentement devant l’empereur, et c’est pourquoi on n’avait pas construit la cale assez inclinée. Quand ce bateau très léger arriva sur l’eau la poupe en avant, l’arrière se mit à flotter aussitôt, tandis que l’avant s’arrêtait sur la cale. Cela ne fit de mal à personne, mais c’était bête. 1

1 Kiderlen-Waechter intime (Payot : Paris, 1926) pp. 52-53.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Chantier naval Vulcan de Stettin.

Ce nouvel Hohenzollern fut inauguré par le Kaiser à Swinemunde en avril 1893 et il l’utilisa jusqu’à son ultime croisière en mer du Nord en juillet 1914, à l’exception d’un période entre mai 1906 et avril 1907 au cours de laquelle le bâtiment était rentré au chantier pour des travaux sur son moteur. S’il faut en croire Erich Raeder, qui y servit comme officier de navigation de 1910 à 1912, le bâtiment n’était pas une réussite :

Ce yacht était une sorte de monstre. Très haut sur l’eau, il avait, par mauvais temps, des mouvements violents, capables d’incommoder même les plus vieux marins. Sa construction ne répondait même pas aux règles de sécurité observées sur un paquebot, et les instruments de navigation, à ma grande surprise, demeuraient forts primitifs. Par exemple, il ne possédait que des compas magnétique, alors que la plupart des navires de la flotte possédaient déjà des compas gyroscopiques. 2

2 Ma vie (Editions France Empire : Paris, 1958) p. 24.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Le capitaine de corvette Raeder à droite du Kaiser (photographie tirée de l’édition française des mémoires de l’intéressé).

Au contraire, les installations intérieures prévues pour le Kaiser et ses invités étaient luxueuses et tout y était conçu pour permettre de recevoir les plus hautes personnalités, comme le montre les photographies qui suivent.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Guillaume II dans sa cabine.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

La salle à manger (photographie stéréoscopique).

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Le salon de l’empereur (photographie stéréoscopique).

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Une autre vue de ce salon (photographie stéréoscopique).

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Le pont promenade avec le Kaiser et ses compagnons de voyage (sur la gauche, avec une casquette blanche l’amiral Georg von Müller, chef du cabinet naval).

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Les cuisines du Hohenzollern (photographie stéréoscopique).

Le navire possédait sa propre vaisselle pour l’empereur et ses invités. L’équipage devait quant à lui se contenter d’un service ordinaire.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)
102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Assiette d’un service spécial destiné au yacht impérial (photos trouvées sur un site internet de vente aux enchères).

102 - SMY Hohenzollern (2/3)
102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Programme de concert.

L’équipage du Hohenzollern, orchestre compris, pouvait monter jusqu’à 354 hommes.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Une partie de l’équipage en tenue de travail.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Bonnet de matelot (photos trouvées sur un site internet de vente aux enchères).

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Chope de réserviste avec le Hohenzollern (photos trouvées sur un site internet de vente aux enchères).

Lors des croisières impériales, le Hohenzollern était toujours escorté par des navires de guerre, ainsi que par un petit bâtiment rapide destiné à transporter les dépêches entre le bâtiment et le port le plus proche afin que le Kaiser puisse continuer à être informé de la situation politique du moment et à transmettre ses ordres.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

En 1901, le Hohenzollern fut choisi pour illustrer une nouvelle série de timbres destinée aux colonies du Reich, dont ils portaient le nom sur un bandeau situé au sommet de la vignette : Deutsch-Ostafrica (Afrique orientale allemande), Kamerun (Cameroun), Karolinen (îles Carolines), Kiautschou (Kiatschou en Chine), Marianen (îles Mariannes), Marshall-Inseln (îles Marshall), Deutsch Neuguinea (Nouvelle-Guinée allemande), Samoa, Deutsch-Südwastafrica (Sud-Ouest africain allemand) et Togo. Les timbres d’une valeur inférieure à 1 mark étaient carrés, ceux d’une valeur supérieure rectangulaires. En Afrique orientale, ils étaient valorisés en roupies et pesas ; en Chine, à partir de 1905, en dollars et cents.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Collection complète de timbre des Mariannes (planche tirée de https://de.wikipedia.org/wiki/Datei:Hamburg_Museum_2011-4002-0.jpg).

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Timbre de 1 roupie de l’Ouest africain allemand.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Timbre de 2 cents de Kiatschou.

Lors de la première guerre mondiale, la plus grande partie des colonies allemandes furent occupées par les troupes alliés. Les timbres allemands continuèrent à être utilisé, soit tels quels (Kiatschou occupé par les Japonais) soit surchargés par les autorités d’occupation anglaises et françaises.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Bloc de 4 timbres de 10 pfennigs surchargés  d’un CEF (pour Cameroons Expeditionary Forces) par les autorités anglaises d’occupation.

Dernièrement, dans un grand moment de nostalgie, certains états ont repris le yacht impérial dans leurs émissions philatéliques.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Timbre camerounais pour la poste aérienne.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Timbre du Lesotho de 1981.

De la même façon, quelques particuliers avec ou sans but commercial se sont servis de ce bateau prestigieux pour illustrer des timbres personnalisés.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)
102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Mais revenons aux années du règne du Kaiser. Du fait de sa notoriété, le Hohenzollern servit à illustrer des timbres de propagande en faveur du développement de la marine allemande dont voici quelques exemplaires :

102 - SMY Hohenzollern (2/3)
102 - SMY Hohenzollern (2/3)
102 - SMY Hohenzollern (2/3)
102 - SMY Hohenzollern (2/3)

De la même façon, plusieurs firmes l’utilisèrent pour des raisons publicitaires, sans forcément de lien avec le milieu maritime :

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Immalin, fabricant de cirage et de polish pour métal.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Edine, fabricant de savon.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Ocean-Seifen, autre fabricant de savon…

La notoriété du Hohenzollern était si grande qu’elle faisait rêver les enfants et les modélistes (grands enfants…) de l’Empire :

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Un château de sable au nom bien connu.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Une maquette navigante d’époque.

Profitant de cet engouement, la firme allemande Bing gebruder lança sur le marché en 1899 un luxueux modèle flottant en tôle avec un mécanisme d’horlogerie assurant la propulsion de son unique hélice.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Le modèle Bing ; notez la clef-remontoir du mécanisme dans la première cheminée (photographie tirée du site : http://www.planetdiecast.com/index2.php?&option=com_content&task=view&id=86722&pop=1&page=0&Itemid=970).

Aujourd’hui, les malheureux modélistes et nostalgiques doivent se contenter d’un tout petit modèle en métal ou d’une maquette à monter en carton.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Modèle de la marque Navis au 1/1250e.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Couverture de la plaquette de la maquette en carton au 1/250e.

Mais le temps des fastes allait s’éloigner. Après sa dernière croisière de juillet 1914, le Hohenzollern resta cloué au port. Confisqué en 1918 par la république de Weimar, il fut condamné en 1920 et finalement ferraillé à Wilhelmshaven en 1923.

102 - SMY Hohenzollern (2/3)

Le Hohenzollern au temps de sa splendeur, lors de la semaine de Kiel.

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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 16:56
101 - SMY Hohenzollern (1/3)

Superbe photographie d’époque du premier Hohenzollern.

Depuis le début de ce blog, nous avons souvent eu l’occasion d’embarquer avec le Kaiser sur le Hohenzollern. Il est donc grand temps de vous présenter ce navire, ou plutôt les trois bâtiments de ce nom qui s’échelonnèrent au cours du règne, d’où ce billet ainsi que les deux suivants...

101 - SMY Hohenzollern (1/3)

Le premier yacht impérial à porter ce nom était un bateau à roues à aubes latérales, construit entre 1876 et 1878 par la Norddeutscher Schiffbau AG de Kiel, avec un aménagement intérieur conçu par l’architecte historiciste Heinrich Mordenschardt ;(1839-1891). Il mesurait 90,65 mètre de long pour une largeur au maître-bau de 10,36 mètres et un tirant d’eau de 4,66 mètres ; il avait un déplacement de 1962 tonneaux et comptait un équipage de145 à 154 hommes. Enfin, ses deux roues à aubes d’un diamètre de 8,23 mètres étaient propulsées par deux cylindres oscillants alimentés par 6 chaudières développant une puissance de 3180 CV lui permettant d’atteindre la vitesse de 15,7 nœuds (soit 29 km/h) ; à titre d’appoint, ses mâts pouvaient porter une voilure de 356 m².

101 - SMY Hohenzollern (1/3)

Plan de la machine du Hohenzollern paru dans un numéro de la revue Engineering de 1877.

Il était destiné aux voyage du nouvel empereur allemand, mais Guillaume Ier n’avait pas grand goût pour les affaires maritimes et il ne l’utilisa que très rarement. A l’inverse son petit-fils Guillaume II, grand amateur de croisières, l’utilisa intensément dès le début de son règne.

101 - SMY Hohenzollern (1/3)

Le Kaiser sur la passerelle de commandement du premier Hohenzollern le 20 juin1895 pour l'inauguration du Kaiser Wilhelm Kanal (cliché tiré d’un journal de l’époque). On distingue nettement le logement d’une des roues à aubes.

Toutefois un souverain qui souhaitait faire de l’Allemagne une grande puissance maritime et s’intéressait aux technologies nouvelles ne pouvait se contenter d’un navire à l’aspect si désuet. D’autant que le bâtiment commençait à accuser son âge. Déjà, à propos de la pose de la première pierre du canal Kaiser-Wilhelm en juin 1887, le Kaiser écrivait :


Comme l’Amirauté ne croyait pas devoir endosser les frais de mise en état du yacht Hohenzollern, construit pour des buts représentatifs, elle avait fait aménager pour l’empereur l’aviso à roues Pommerania. 1


2 Souvenirs de ma vie (1859-1888) (Payot ; Paris, 1926) p. 309.


Plus tard, à la date du 5 juillet 1890 le prince Eulenburg rapportait à propos d’une croisière en mer du nord :


Il pleuvait tellement qu’à 2 h. 1/2 un véritable fleuve, perçant le toit de ma cabine, me coula sur le nez et, furieux, je dus quitter ma couchette. 2


2 Souvenirs du prince Eulenburg – croisières à bord du Hohenzollern (1889-1903) (Payot ; Paris, 1934) p. 34.


Et Alfred von Kiderlen-Waechter rapporte à son tour d’autres désagréments intervenus lors d’une nouvelle croisière en mer du Nord dans un lettre du 12 juillet 1892 à Joseph von Radowitz (1839-1912), alors ambassadeur d’Allemagne à Constantinople avant de partir représenter son pays à Madrid :


Le voyage m’a très bien réussi jusqu’ici, et notamment les excursions en montagne m’ont fait beaucoup de bien. Seulement il fait un froid terrible : nous oscillons entre 7 et 9 degrés Réaumur ! tandis que j’écris ces lignes, je porte un épais manteau d’hiver, car le chauffage à vapeur ne marche pas, et il ne nous reste d’autre alternative que de geler ou de rester enveloppés dans de chauds manteaux : c’est cette dernière solution que je préfère. 3


3 Kiderlen-Waechter intime (Payot ; Paris, 1926) p. 53.
 

101 - SMY Hohenzollern (1/3)

Modèle au 1/2500 de la marque Mercator.

Voilà pourquoi un nouveau yacht impérial fut mis en chantier. En 1892, après le lancement du nouvel Hohenzollern, l’ancien fut rebaptisé Kaiseradler et fut finalement ferraillé en 1912.

101 - SMY Hohenzollern (1/3)

Timbre émis au profit des invalides de la marine.

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29 février 2016 1 29 /02 /février /2016 21:16
100 - Attaques aériennes

Dans un précédent article, nous avons vu comment la coopération germano-russe dans le domaine de la lute contre le terrorisme avait évité un attentat anarchiste contre la personne du Kaiser. Après le déclenchement du premier conflit mondial non seulement ce type de coopération disparut mais en plus les Etats eux-mêmes se mirent à fomenter des projets d’attentats. Ce sont deux tentatives françaises pour assassiner Guillaume II que nous allons rapporter aujourd’hui.

100 - Attaques aériennes

Le convoi impérial lors d’une visite près du front.

Dans la soirée du samedi 31 octobre 1914, les services de renseignements français déchiffrèrent deux messages radios allemands annonçant pour le lendemain une visite du Kaiser en Belgique occupée, pas très loin de la ligne de front : le souverain devait se rendre au château de Coquinage pour y rencontrer le général von Marwitz 1 à 10 heures 15 puis passer des troupes en revue à Courtray à 15 heures. Mais pour bien interpréter ces informations, une traduction littérale ne suffit pas, il faut encore les comprendre correctement et pour cela deux difficultés se posent aux officiers qui les reçoivent et que tous ne surmonteront pas :


- l’heure officielle allemande est en avance d’une heure sur l’heure française ;
- les cartes d’état-major françaises ne connaissent aucun château ni lieu-dit du nom de Coquinage…

 

1 Georg von der Marwitz (1859-1929), commandait alors le 2e corps de cavalerie de l’armée allemande.
 

100 - Attaques aériennes

Le château d’Hespel à Bondues, QG du général von Marwitz, situé près de l’avenue du… Coquinage.

Dans la matinée suivante, de nouvelles interceptions radiographiques ayant confirmé les premières informations, le général Foch fait donner à midi trente l’ordre à l’aviation de la 10e armée de préparer le bombardement du convoi automobile de Guillaume II. Les consignes transmises aux deux escadrilles disponibles, la MF 33 stationnée à Bruay-en-Artois et la V 29 à Herlin-le-Sec sont succinctes, sans doute du fait des interrogations qui demeurent sur les horaires et les lieux à viser : « Recherchez objectif se présentant vraisemblablement sous la forme d’une automobile avec une escorte sur l’itinéraire Linselle, Menin, Courtrai, Ingelsmunster, Tielt » 2


2 SHD /DAT 26N57/1 ; cité par Jean-Claude Delhez La France espionne le monde (Economica ; Paris, 2014) p. 58.
 

L’escadrille V 29 du capitaine Sourdeau ne dispose alors que d’un seul appareil disponible (les autres étant déjà en mission de reconnaissance), piloté par le lieutenant Wateau qui prend l’air vers 13 heures. A 14 heures les 6 Morane de la MF 33 décollent à leur tour. A 14 h 15, l’avion du lieutenant Wateau survole Tielt où il aperçoit une voiture et des troupes à l’entrée de la ville et largue alors quatre bombes qui tombent près d’un café où le Kaiser a déjeuné, mais cela fait près d’une demi-heure qu’il est parti pour Courtrai ; il blesse cependant grièvement plusieurs soldats allemands, dont un général d’artillerie. Peu avant 15 heures, 3 avions de l’escadrille V 29 (les 3 autres s’étant dispersés en route) bombardent des rassemblements de voitures à Courtai ; mais là aussi, Guillaume II est déjà parti après avoir passé en revue des troupes du corps de cavalerie du général von Hollen 3.
 

3 Gustav von Hollen (1851-1917) commandant du 4e corps de cavalerie allemand.
 

100 - Attaques aériennes

La grand place de Courtrai où le Kaiser passa les troupes en revue.

Au final, les aviateurs français ont causé quelques pertes à leurs ennemis, mais leur mission se solde par un échec. Toutefois, comme selon la vieille maxime il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer, une nouvelle tentative sera imaginée l’année suivante. Ainsi, le 24 décembre 1915, les services d’écoute français décryptèrent un message radio allemand annonçant que le Kaiser irait le lendemain en train jusqu’à Sedan pour y remettre vers 10 heures des décorations dans l’ancien manège occupé avant guerre par un régiment français de dragons.

100 - Attaques aériennes

Ce même jour, le commandant Tricornot de Rose 4, commandant de l’aéronautique de la 5e armée française, à qui les informations interceptées ont été transmises, va passer le réveillon avec ses hommes de l’escadrille MS 12, première escadrille de chasse crée en France. Là il leur révèle son plan : mitrailler le train impérial en rase-mottes. Pour éliminer Guillaume II.


4 Charles Tricornot de Rose (1876-1916) fondateur de la chasse française.


Mais cette fois, il ne sera pas même possible de savoir si les informations obtenues par le SR étaient bonnes et correctement interprétées : un brouillard dense recouvrira la région en le 25 décembre et aucun appareil ne pourra décoller… Comme aurait pu le dire le caporal Diaz de l’armée de San Theodoros : « Caramba, encore raté ! »
 

100 - Attaques aériennes

Un des Morane Saulnier type N de la MS 12.

Arrivé à ce point, se pose une question cruciale : que serait-il advenu si l’un ou l’autre de ces tentatives infructueuses avait réussi ? Deux faits viennent immédiatement à l’esprit :


- le Kronprinz Frédéric Guillaume, partisan convaincu du parti militariste, serait devenu l’empereur Guillaume III d’Allemagne ;
- de plus, l’Allemagne aurait eu une raison supplémentaire de lutter contre des adversaires utilisant des moyens aussi déloyaux et n’aurait sans doute pas manqué de laisser sa propagande décliner à l’infini cet argument tant dans le Reich qu’auprès des Etats neutres.

 

100 - Attaques aériennes

Le Kronprinz sur une carte à jouer allemande d’époque.

Enfin, si l’on veut bien nous permettre un avis personnel et donc subjectif, on me permettra de ne pas partager l’avis de Rémi Kauffer qui, dans son Histoire mondiale des services secrets, met sur le compte du diable l’échec des ces deux tentatives. En effet, comme il apparaissait sur de nombreuses cartes postales de propagande et jusque sur les boucles de ceinturons des soldats allemands, Dieu était avec le Kaiser…

100 - Attaques aériennes

Epinglette contemporaine.

Un grand merci à Hilarion Lefuneste, qui m'a signalé

l'existence de ces deux tentatives manquées.

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27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 18:00
99 - Ann. de SM. le K.

Au XVIIe siècle, d’oisifs anglais prirent l’habitude de se réunir pour passer le temps : les plus raisonnables d’entre-eux en profitaient pour consommer immodérément des boissons fortes tout en lutinant les domestiques ; d’autres, bien plus délirants, se recherchaient des origines dans la nuit des temps, élaboraient des rituels effarants, développaient un code spécifique à base d’abréviations 1 et concoctaient des projets sensés assurer le bonheur de l’humanité souffrante (sans bien sûr lui demander son avis…)

1 A leur exemple, je me suis donc permis de donner un titre cabalistique à cet article, dont la très profane traduction, pour ceux qui ne l’auraient pas encore devinée, est : Anniversaire de Sa Majesté le Kaiser.
 

99 - Ann. de SM. le K.

Assiette fabriquée pour commémorer le 250e anniversaire de la loge Absalom.

Le mauvais exemple présentant souvent plus d’attrait que le bon, le plus irrationnel de ces deux comportements ne manqua pas de s’étendre. Ainsi, la plus ancienne loge d’Allemagne fut fondée dans la Taverne d’Angleterre de Hambourg dès décembre 1737 et prit finalement le vocable de « loge d’Absalom aux 3 orties ». C’est en son sein que le Kronprinz Frédéric de Prusse, futur Frédéric II, se fit initier vers 1740. 2 Après avoir été fermée sous le nazisme, cette loge fut recrée à l’initiative des autorités alliées (ce fut d’ailleurs la première loge reconstituée dans l’Allemagne libérée) ; elle existe encore et continue d’avoir son siège au 8 de la Welckerstrasse.

2 Informations tirées du site http://freimaurer- wiki.de/index.php/En:_The_first_german_masonic_lodge_%E2%80%9EAbsalom_zu_den_drei_Nesseln%E2%80%9C et de la notice wikipedia.de consacrée à cette loge.
 

En 1903, par souci de loyalisme, la loge Absalom, en lien avec d’autres loges hambourgeoises dont un grand nombre existe toujours, organisa une fête pour célébrer l’anniversaire du Kaiser ; ce sont la lettre et la carte d’invitation, ainsi que le programme de cette fête que je vous propose aujourd’hui. On ne manquera pas d’y noter la curieuse alliance d’une versification tarabiscotée – comme souvent dans ce genre de pièces de circonstance – avec la phraséologie codée propre aux francs-maçons. Précisons tout de suite que Guillaume II n’était pas maçon, à la différence de son grand-père l’empereur Guillaume Ier et de son propre père, l’empereur Frédéric III ; ce dernier, qui présida de 1860 à 1874 la Grande Loge d’Allemagne, a offert à la loge des Trois Roses de Hambourg un maillet cérémoniel, qu’elle conserve toujours.
 

1) Lettre d’invitation

99 - Ann. de SM. le K.

A L'Orient 3 de Hambourg, janvier 1903

 


Très Cher Frère

 

Les officiers des loges Absalom, Saint-Georges, Emmanuel, Ferdinande Caroline, Ferdinand au Rocher, Gudrun, Globus, A la Chaîne fraternelle et A la Fidélité fraternelle sur l'Elbe 4 ont décidé d'organiser en commun le mardi 27 janvier une
 


Fête d'anniversaire
de Sa Majesté l'Empereur

 


dans la maison des loges 5, rue Welcker, et vous invitent par la présente, cher Frère, à y prendre part très fraternellement. La loge A la Fidélité fraternelle sur l'Elbe a pris à son compte la direction de l'atelier de fête et la loge A la Chaîne fraternelle 6 celle des agapes de fête.
 


Début de l'atelier 7 de fête à 7h30 du soir.
 


Nous vous prions de prendre avant le 26 janvier auprès de l'économe, le Frère Renzow (8, rue Welcker) les cartons de participation (à 3 marks 8, le couvert sans boisson) ; le maître des cérémonies, le Frère Wahrlich 49, passage Grosse Bleichen, reçoit également les inscriptions jusqu'au 26 janvier.

Salutations cordiales et fraternelles

Wilh. Jensen                                   Otto Hopfer                         Eberth. Clemens
Loge Absalom                         Loge Saint-Georges                    Loge Emanuel

Hugo Wehmeyer                              Fritz Bokelmann                G. Biehl
Loge Ferdinande Caroline       Loge Ferdinand au Rocher    Loge Gudrun

Franz Fischer                                  Dr. Joh. Fritz                      Prof. Dr. Bahnson
Loge Globus                    Loge A la Chaîne fraternelle             Loge A la Fidélité
                                                                                                fraternelle sur l'Elbe

 

 

3 Dans le langage maçonnique, ce terme convenu désigne le lieu de fondation de la loge.
4 Les 3 grandes loges de Hambourg se sont donc réunies pour organiser cette manifestation, mais certaines autres loges ne semblent pas s’y être associées. On remarquera que le qualificatif de « grandes loges » n’apparaît pas dans ce document. En 1924, les loges citées comptaient 1554 membres ; les effectifs de 1903 devaient être à peu près équivalents.
5 Cette maison des loges avait été inaugurée en 1891 ; elle sera rasée par les nazis en 1937. La nouvelle maison des loges sera construite au même endroit en 1971.
6 Cette loge qui acceptait des membres juifs, s’est auto dissoute le 18 avril 1933. Les autres loges allemandes furent fermées par les nazis en 1935 ; certaines d’entres elles perdurèrent cependant à l’étranger, comme la Grande Loge de Hambourg qui poursuivit son activité à Valparaiso ente 1935 et 1945.
7 Terme générique du groupement de base de la maçonnerie.
8 Au poids de l’or, cela fait 35 € ; à l’époque, c’était au-dessus du salaire quotidien d’un ouvrier.

 

2) Carte d’invitation

99 - Ann. de SM. le K.

Carton de participation aux Agapes
de la fête commune organisée pour l'anniversaire
De Sa Majesté l'Empereur Guillaume II
par les loges Absalom, St. Georg, Emanuel, Ferdinande Caroline, Ferdinand au Rocher , Gudrun, Globus, A la Fidélité fraternelle sur l'Elbe, A la Chaîne fraternelle,
Le mardi 27 janvier 1903, dans la maison des loges, rue Welcker

 

3) Livret programme

99 - Ann. de SM. le K.

Programme
de la fête commune organisée par les loges
pour l'anniversaire de Sa Majesté
l'Empereur Guillaume II.

Mardi, le 27 janvier 1903.

 

99 - Ann. de SM. le K.

Programme
de la fête commune organisée par les loges
pour l'anniversaire de Sa Majesté
l'Empereur Guillaume II

le 27 janvier 1903
Les Frères francs-maçons seront rassemblés dans la maison de loges rue Welcker
sous la direction des deux loges éclectiques
9 :
« A la Fidélité fraternelle sur l'Elbe »
et
« A la Chaîne fraternelle »

9 Qualificatif des loges ayant évacué de leur fonctionnement la multitude des hauts grades et ayant renoncé à toute spéculation ésotérique. On remarquera que ces deux loges avaient en charge l’aspect matériel de l’organisation de la fête (voir la lettre d’invitation). Elles dépendaient de l’Union maçonnique éclectique dont le siège se trouvait à Francfort.

99 - Ann. de SM. le K.

A
Fête de la loge

à 7h30 du soir.


1 Introduction des frères.
2 Ouverture de la loge.
3 Chant en commun (chant n° 1).
4 Allocution à partir de la chaire : frère Bahnson.
5 Solo du frère W. Birkenfeld (chant n° 2).
6 Discours de fête du frère G. Goldmann.
7 Chant quatuor (chant n° 3).
8 Chaîne, chaîne d’union et fermeture de la loge.

 

99 - Ann. de SM. le K.

N°1

A l’Empereur

Chant en commun
            Josef Haydn

Mélodie : Deutschland über alles
10

Que Dieu garde notre empereur
Qu’il protège notre fidèle seigneur !
Qu’au dessus du Couronné règne
Toujours l’étoile d’or de la paix ;
Dans ce que le futur déploie
Que jamais ne s’éloigne de lui la joie.
[Que Dieu garde notre empereur
Qu’il bénisse notre bon seigneur]
11

Que sur les champs fleurissants
Son sceptre s’étende au loin et largement.
Les colonne de son trône sont clémence,
Probité et droiture ;
Et que son bouclier
S’illumine de la justice.
[Que Dieu garde notre empereur
Qu’il bénisse notre bon seigneur]

Que se parer des vertus
Soit son souci constant.
A ne pas opprimer les peuples
Qu’il maintienne son épée brandie ;
Les bénir, les rendre heureux,
Voici la récompense qu’il désire.
[Que Dieu garde notre empereur
Qu’il bénisse notre bon seigneur]

10 Rappelons qu’il ne s’agissait alors pas d’un hymne national mais d’un chant patriotique très populaire.
11 Ces crochets dans le texte original servent à souligner le refrain du chant.

 

99 - Ann. de SM. le K.

N°2
PRIERE
De Ferdinand Hiller
12
 Chant solo du frère Birkenfeld

Seigneur, que je porte profondément dans le cœur,
Sois avec moi !
Toi havre de grâce dans la joie et dans la peine,
Sois avec moi !
Garde moi à la source de la joie de la fierté ;
Et quand je me décourage de moi-même,
Sois avec moi !
Ta bénédition est comme la rosée pour la grappe –
Seul je ne peux rien ;
Si j’ose avec hardiesse le sublime
Sois avec moi !
Oh toi ma consolation, ma force,
Ma lumière du soleil,
Jusqu’au terme de mes jours
Sois avec moi !

                                                                             Em. Geibel. 13

12 Compositeur et chef d’orchestre né à Francfort-sur-le-Main en 1811 et mort à Cologne en 1885.
13 Poète romantique né à Lübeck en 1815 et mort dans cette même ville en 1884.

 

N°3
Salut Empereur et Empire
Chant quatuor


                                                                  K.Rebbert

Salut, noble fils des Zollern, tout puissant empereur !
Tu est l’ornement du trône de l’Allemagne entière.
L'amour pour toi apporte en salaire fleurs et ramure !
Salut, salut à l’empereur !

Salut patrie allemande,
Salut, salut à l’empire !
Le lien de la fidélité unit fermement
Toujours l’ennemi t’a trouvé,
Solide comme le chêne.
Salut, salut à l’empire !

Seigneur dans la voûte des cieux,
Ecoute notre supplique !
Donne la paix à l’univers entier,
Fidèle au héros Zollern
Laisse dressée l’Allemagne,
Ecoute notre supplique !
Salut Empereur et Empire !


                                                                   Leining.
 

99 - Ann. de SM. le K.

B
Agapes
14 de fête de la loge
Sous la direction du très vénérable frère Docteur Fritz.


1 Ouverture rituelle.
2 Premier service.
3 Narration musicale.
4 Deuxième service.
5 Santé à Sa Majesté l’Empereur.
6 Chant en commun : à l’Empereur (chant n° 4).
7 Troisième service.
8 Chant en commun (chant n°5).
9 Quatrième service.
10 Narration musicale.
11 Chaîne d’union
15 et fermeture (chant n° 6).


14 Collation prise en commun à l’issue des travaux maçonnique dans une salle séparée ; sauf exception, elle n’est pas ouverte aux non-initiés.
15 Rituel de fraternité en fin de séance, chaque maçon étant sensé en représenter un maillon.

 

99 - Ann. de SM. le K.

N°4
A l'Empereur

Mélodie : Je suis un Prussien
16


« Aujourd'hui tous les chants l'ont en objet
Que le notre lui soit aussi dédié ! »
Que celui-ci retentisse de haut en bas au travers des rangs
Dans le cercle des frères au son joyeux des coupes.
Aujourd'hui il importe de le fêter,
Prusse, Souabe, Bavière
[Le saluent comme le seigneur suprême
Comme le trésor de l'Allemagne et son étoile guide la plus sure.]

Ce n'est pas un son vide, si nous chantons de luice jour
Qu'il est de notre pays le meilleur et plus fidèle fils.
Le chant doit résonner pour cette âme élevée,
Pour ce prince de paix assis sur le trône impérial !
L'oeil clair et vif,
Le cœur bien placé,
[Ainsi se présente le père du peuple,
Un véritable aigle allemand issu des Hohenzollern.]

Dans les anciens contes j'ai souvent glané
Auprès d'un héros qui s'impose au monde
Par son auguste force et sa nature allemande victorieuse,
Envoyant à la poussière chaque ennemi.
Nous sommes consolés, de ce que nous perdîmes,
Puisqu'il renaquis en lui ;
[En lui le héros Siegfried se dressa
Vers la gloire éternelle au profit du peuple allemand et du pays.]

Rempli d'un esprit noble, vaste en connaissances,
Voici notre empereur dans le cercle des princes.
Nous tous, qui nous nommons avec fierté Allemands,
Nous nous réjouissons de sa renommée et de sa gloire :
Il n'y a pas à en rechercher un deuxième,
Un pareil à qui tresser une couronne ;
[Tout en haut Guillaume, tout en haut ! Pareil à aucun autre
17,
Que Dieu soit avec toi et l'empire allemand.]
                                                            M. E.

 

16 Hymne officiel du royaume de Prusse de 1830 à 1840, sur des paroles de Bernard Thiersch (1793-1855) et une mélodie composée en 1832 par August Neithardt (1793-1861) responsable de la musique du 2e régiment de grenadiers de la garde royale.
17 On remarquera là une curieuse analogie avec la célèbre devise de Louis XIV nec pluribus impar

 

99 - Ann. de SM. le K.

N°5
A la patrie

Mélodie : Couronné de feuillage
18

Que l'on verse le vin ! Pour qui la coupe doit-elle être levée,
[Remplie à ras bord ?]
Pour le pays allemand, la perle de l'univers entier,
[Pour la chère patrie.]

De nombreuses années ce sont écoulées,
[Depuis que la vérité fut le rêve]
De nos pères, depuis que put germer vigoureusement
[Toi l'arbre de l'unité allemande.]

Nous te voyons toi l'arbre puissamment t'élever dans le ciel ;
[Mais malheur dans ta ramure]
Tu portes secrètement caché
[Du hibou plein de méchanceté le nid.]

Laisse toi traverser par le souffle de la liberté,
[Pour que cette population prenne la fuite,]
Avec éclat alors la couronne sera en fleurs
[Et portera la récolte de la bénédiction.]

Qu'il en soit ainsi. Qu'il en advienne ainsi de toi
[Arrière le tapage, arrière le rêve !]
Qu'un arbre de vie se dresse bien droit sur la terre
[Toi l'arbre de l'unité allemande.]

Et pour que tu deviennes cela, nous voulons en tout tendre à cela !
[Par le cœur, l'esprit et la main !]
Pour toi ce verre, pour toi la vie en son entier,
[Toi patrie allemande !]
                                              Frère Em. Rittershaus

 

18 chanson à boire très populaire composée en 1775 par Johann Andre (1741-1799) sur les paroles du Rheinweinlied de Matthias Claudius (1740-1815) qui composa aussi La Jeune fille et la Mort qui sera mis en musique par Frantz Schubert.
 

99 - Ann. de SM. le K.

N°6
Chant de clôture


Maçons, fils de la véritable sagesse,
[Débout, remplissez le premier devoir !]
Louez l'inventeur de la construction du monde !
[Observez l'équilibre de l'ordonnancement !]
Vouez du respect à l'Architecte,
Qui vous prête art et force,
Et à chaque moment de repos
[Exaltez le à plein choeur !]

Maçon, remplis de la noble tension,
[D’être ce que vous vous nommez,]
Dont le cœur brûle de l'amour de l'humanité
[Et de la véritable bienfaisance ;]
Lorsque la conclusion du travail apparaît
Accordez vous du repos,
Mais n'oubliez pas de bienfaire.
[Pensez au pauvre qui pleure !]

Debout frères, main dans la main !
[Jurez dans ce moment heureux,]
Au moment où le travail arrive au terme de l'ouvrage,
[Fidélité fraternelle à notre union !]
Toujours tendre vers le sublime,
Vers le degré supérieur du pur amour,
Jurez par ce verre plein :
[Tous les frères vivront !]

 

99 - Ann. de SM. le K.

Pendant que les francs-maçons allemands célébraient ainsi l’anniversaire du Kaiser, leurs homologues français, imbus de république, d’égalité et de respect de la liberté de conscience, fichaient secrètement les officiers de l’armée en fonction de leur pratique religieuse pour influer sur leur avancement…

99 - Ann. de SM. le K.

Carte postale satyrique illustrant la gifle infligée le 4 novembre 1904 en plein parlement au général André, ministre de la guerre, par le député Gabriel Syveton lors de l’éclatement de l’affaire des fiches (on y distingue à droite l’ancien séminariste Combes, président du conseil, et à gauche Camille Pelletan, ministre de la marine).

Une nouvelle fois, je me dois de remercier Franck Sudon pour ses traductions et ses judicieuses recherches documentaires.

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23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 15:52
98 - Un attentat déjoué

Cachet en papier du président de la police de Berlin.

Une nouvelle fois, l’actualité retentit d’informations sur le terrorisme. Aujourd’hui il est islamiste mais aux alentours de 1900 c’étaient les anarchistes qui posaient des bombes et se lançaient dans des campagnes d’assassinat souvent mêlées au plus simple banditisme 1. Les pittoresques mémoires de Gustave Steinhauer nous révèlent ainsi comment le Kaiser aurait pu être victime d’un nihiliste russe.

1 Notons en passant que si la motivation change, la barbe reste…

A cette époque, il y avait à Berlin un haut fonctionnaire russe qui était au service de l’Ochrane (Service de la Sûreté) à Pétersbourg et qui avait le devoir de protéger la vie du Tsar en surveillant les nihilistes et autres éléments révolutionnaires séjournant à l’étranger 2. Il avait sous ses ordres une douzaine d’employés, la plupart russes, mais aussi quelques Allemands qui avaient été au service de la police allemande. Comme ce fonctionnaire avait beaucoup d’argent à sa disposition, se employés travaillaient fort bien.

2 Service de police créé par le bon tsar Alexandre III le 14 août 1881 pour lutter contre la multiplication des attentats et de la propagande révolutionnaire dans l’empire russe.

Un jour, je fus appelé auprès du vieux chef de la police politique : le conseiller secret 3 Muhl, et je trouvai dans son bureau le fonctionnaire russe en question. Voici de quoi il s’agissait : un nihiliste russe, appartenant au parti terroriste, séjournait depuis quelque temps à Berlin et se faisait passer pour un Anglais, il logeait dans un petit hôtel près de la gare de Silésie. On me demandait de faire sa connaissance le plus tôt possible et de lui tirer les vers du nez. Au cours d’une soi-disant bagarre dans les rues de Londres, les agents secrets avaient réussi à lui chiper son carnet de poche, et on y avait trouvé l’adresse d’un dentiste nommé Sylvester, habitant la Königgrätzerstrasse, près de la porte de Brandebourg. C’était le dentiste de l’Empereur qui se rendait souvent chez lui.

3 Traduction littérale de Geheimer Rat, titre créé sous le Saint-Empire pour honorer les conseillers du souverain. Avec, le temps, c’était devenu le titre honorifique conféré aux plus haut fonctionnaires et il donnait droit au qualificatif d’Excellence.
 

98 - Un attentat déjoué

La gare de Silésie à Berlin.

Le même soir j’étais installé dans le petit hôtel de la gare de Silésie, et le lendemain matin à la table du petit déjeuner j’avais fait la connaissance du nihiliste. Je m’arrangeai de façon à être près du portier lorsque le Russe sortirait et je lui demandai en anglais où était le consulat anglais. Le portier ne comprit pas ma question et le Russe intervint aimablement, m’expliqua où se trouvait le consulat, et m’offrit de m’accompagner jusqu’au tram qui y conduisait.
J’ajoute que le conseiller secret Muhl avait mis à ma disposition un employé d’un certain âge qui ne devait pas me quitter des yeux.
Tout en bavardant nous avions oublié tous les deux, le Russe et moi, que nous voulions prendre le tram et nous nous trouvâmes tout à coup devant le consulat anglais. Je le quittai et le soir à cinq heures je le retrouvai à l’hôtel. Pour ne pas exciter sa méfiance j’affectai de ne pas m’intéresser à lui. J’avais bien calculé, car il vint à moi et me demanda comment j’avais l’intention de passer la soirée. N’ayant aucun but précis, nous nous rendîmes dans le café Schippanovski pour y boire de la bière. Sa compagnie m’était très désagréable car il me fallait jouer mon rôle d’Anglais qui ne sait pas l’allemand, c’est pourquoi je lui confia que je partirais le lendemain matin pour Hambourg. Dans la même nuit, le conseiller secret Muhl avait son rapport sur l’individu : il n’était ni Russe, ni Anglais, mais Polonais de naissance et nihiliste radical.
Dès le lendemain, en compagnie de l’employé mis à ma disposition, je commençai la surveillance. Pour qu’il ne me reconnût pas, je m’affublai d’une barbe postiche. Le cinquième jour il quitta l’hôtel vers huit heures du matin. Contre son habitude, il était vêtu ce jour-là d’une façon très élégante, il était en jaquette et coiffé d’un haut de forme, il portait à la main une serviette en cuir jaune de grandeur moyenne. Devant la gare de Silésie, il prit un fiacre fermé et donna au cocher l’ordre de le conduire à la porte de Brandebourg. Nous suivions dans deux fiacres. Il descendit de voiture à la porte de Brandebourg, passa sous elle, et commença à se promener lentement devant le palais Blücher. Avec son haut de forme et sa jaquette il avait tout à fait l’air d’un diplomate.

 

98 - Un attentat déjoué

La Parizer Platz et la porte de Brandebourg.

Tout à coup, nous aperçûmes un attroupement qui se formait dans la direction de la gare de Potsdam. L’Empereur, en compagnie d’un aide de camp, était sorti par la porte de derrière du Ministère des Affaires étrangères, avait traversé la chaussée et se rendait chez son dentiste. Mon Polonais savait tout cela d’avance car il ne parut pas surpris et se dirigea lentement et avec circonspection vers la maison du dentiste. La foule, comme toujours lors de telles occasions, s’était rassemblée devant la maison et, tenue à distance par un certain nombre de policiers en uniformes et en civil, attendait la sortie de l’Empereur. Mon Polonais se mêla à la foule, et s’adressant à un agent de police il lui demanda l’adresse de l’attaché militaire français. Le policier haussa les épaules et lui répondit qu’il n’en savait rien. Le Polonais s’inclina très poliment et entra d’un air circonspect dans la maison du dentiste, où j’avais vu pénétrer, peu auparavant, trois ou quatre hommes, sans attribuer une importance quelconque à ce fait.
L’instant d’agir était arrivé car j’étais persuadé que le Polonais allait accomplir son plan. Je fis un signe à mon collègue et nous pénétrâmes tous deux dans la maison. A ma grande surprise, je fus reçu par le haut fonctionnaire russe qui me dit : « Tout est en ordre, nous l’avons ! » J’entendis encore dans l’escalier un bruit sourd, semblable à celui d’un objet lourd qu’on emporterait puis, à la prière du Russe je quittai la maison avec mon collègue car l’Empereur pouvait surgir à chaque instant. Nous étions à peine sortis que la foule commença à crier « Hourra ! » Lorsque nous nous retournâmes, l’Empereur était déjà sur le seuil accompagné de son aide de camp, prêt à quitter la maison. Il fit une cinquantaine de pas dans la Königgrätzerstrasse, alla à sa voiture, y monta et partit aux acclamations de la foule.

 

98 - Un attentat déjoué

Le Kaiser avec ses chauffeurs en livrée à bord d’une Mercedes Simplex.

Grâce à la rumeur, on n’avait pas remarqué que cinq personnes en conversation animée étaient sorties de la maison du dentiste après l’Empereur. On n’avait pas non plus remarqué que l’une d’elles était entraînée de force, et avait à chaque poignet une fine chaînette d’acier dont les bouts étaient enroulés autour des poignets de ses compagnons. On ne s’aperçut pas que ces personnes s’étaient dirigées en riant et en plaisantant vers une élégante voiture qui  se trouvait à quelques pas de là et y avaient placé de force le Polonais enchaîné et blême. Les lieux étaient pour ainsi dire abandonnés car tous les passants s’étaient dirigés vers la place où l’Empereur était monté en voiture.
Tout ce que je viens de raconter s’était passé en trois minutes. J’en étais encore stupéfait lorsque le fonctionnaire russe s’adressa à moi :
‒ Vous pouvez maintenant ôter votre jolie barbe, vous avez merveilleusement travaillé et je ne manquerai pas de le signaler à votre chef. Nous avons arrêté l’un des plus dangereux nihilistes et Dieu sait ce qui serait arrivé sans votre intervention. Voyez !
Il avait ouvert la serviette jaune, et je vis deux objets ronds, de la grandeur de deux poids de cinq kilos, munis de poignées.
« Des bombes » fit le Russe laconiquement. Puis il me donna un billet de cent roubles pour nous dédommager de nos dépenses et ajouta : « le dangereux individu a des complices, nous ne pourrons nous en emparer que si cette arrestation demeure absolument secrète. Demandez à votre chef de ne pas en parler. »
Une heure plus tard nous étions chez le vieux conseiller secret. Nous venions de lui promettre, la main dans la main, de ne pas dire un mot de cette affaire lorsqu’on l’appela, tout à coup, auprès du président de la police. Il nous demanda d’attendre son retour et Dieu sait à quels espoirs fous nous nous livrâmes. Quelle récompense allait-on nous accorder ? Or, voici ce qui arriva : l’Empereur, par l’intermédiaire de son aide de camp, avait fait exprimer son mécontentement au président de la police, car il avait de nouveau remarqué des employés de la sûreté qui stationnaient devant la maison de son dentiste
4.

4 Dans un passage précédant cette anecdote, Gustave Steinhauer avait insisté sur la répugnance du Kaiser à être escorté par des forces de police et à sa manie d’essayer de découvrir dans la foule les agents en civil pour s’en plaindre ensuite au responsable compétent…

Nous eûmes naturellement un air surpris et mon collègue, un des plus anciens employés, qui avait le droit d’oser dire un mot, risqua d’un ton sec : « Nous aurions sans doute mieux fait de laisser jeter la bombe ! »
‒ Ne vous faites pas de souci à ce sujet, messieurs, dit le vieux conseiller secret, vous serez encore souvent injustement rabroués. N’oublions pas que nous servons l’Empereur. Je suis très content de vous et je le prouverai à la prochaine occasion.
Quant à moi, le plus beau moment de l’affaire était celui où le Russe  m’avait glissé dans la main le billet de cent roubles. Cela peut paraître ben vulgaire, mais c’était pour moi plus qu’une louange accompagnée du blâme de Sa Majesté.
5

5 Gustave Steinhauer Le détective du Kaiser (Editions Montaigne, 1933) pp. 82-87.
 

98 - Un attentat déjoué

Pour la deuxième fois de sa carrière, Gustave Steinhauer se voit donc témoin de l’arrestation de suspect (voir : http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-32-le-mystere-de-la-dame-en-noir-115346818.html). Toutefois, le nihiliste polonais devait offrir moins d’agrément visuel que la suspecte de Baalbeck, même si l’illustration du billet de 100 roubles lui rappelait une figure féminine connue...

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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 09:50
97 - Fâcherie passagère

La légende noire du Kaiser fait de lui un personnage colérique et ne tolérant aucune contradiction. Si avec l’âge et du fait des réussites du règne avant 1913, cette tendance s’est parfois manifestée, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agissait pas là du fondement de sa personnalité comme le prouve l’anecdote qui va suivre. Elle nous a été rapportée par notre concitoyen François Aymé – républicain enragé – qui avait été nommé en 1875 professeur de français des princes Guillaume et Henri par le gouvernement de Thiers à la demande de la princesse royale Victoria, mère des futurs élèves. A l’époque de cette anecdote, le prince était élève du Gymnasium de Cassel où il se préparait à passer son Abitur 1.

1 Equivalent allemand du baccalauréat.

97 - Fâcherie passagère

Le palais de Cassel où résidaient les princes Guillaume et Henri pendant l’hiver.

Pour expliquer cette brouille, je dois rappeler qu’en 1876, la France causait véritablement une admiration sincère à l’étranger. Son rapide relèvement, son ardeur à la reconstitution des forces vives, son intention bien marquée de pratiquer la liberté en assurant l’ordre, son expansion coloniale, démontraient la puissance de sa vitalité. Ce magnifique et consolant spectacle d’un peuple vaincu qu ne perd point courage, qui lutte bravement, au contraire, pour reconquérir son prestige, obligeait nos ennemis à confesser que la France était une grande nation.

Il est probable que les Allemands étaient marris de ce prodigieux et rapide essor. Mais comme ils sont pratiques et sérieux, ils constataient franchement le phénomène sans marchander leurs éloges.

Je buvais naturellement du lait, comme on dit, chaque fois que j’entendais louer mon pays et les efforts de mes compatriotes. Sur ce point, je puis assurer que Guillaume ne m’a pas épargné les douces émotions, quand il vantait notre activité réparatrice. Ce fut même à ce sujet que se produisit le froissement en question.

Un jour qu’il avait particulièrement développé ce thème, il termina, sans la moindre malice, je le certifie : « Tout le monde s’est trompé sur votre puissance comme sur votre richesse, nous comme les autres. Aussi bien n’était-ce pas cinq milliards qu’on aurait dû vous réclamer, mais dix ou quinze. » – « Vous le pouviez, dis-je, puisque vous étiez les maîtres. » – « Ce sera pour une autre fois, ajouta-t-il en souriant. » Moi je ne riais pas cependant, et je répliquai : « Une autre fois, ce n’est peut-être pas nous qui paierons. » – « Alors, encore tant pis pour vous, continua-t-il, car nous serons dans l’impossibilité de réunir une pareille somme. » – « Fort bien, fis-je de plus en plus piqué. Permettez-moi, dans ce cas, de vous faire remarquer l’inégalité de la partie. Vous gagnez, c’est pour vous un bénéfice énorme. Vous perdez, il n’y a rien pour nous. Ainsi, dans un cercle, un ponte décavé s’écrie « banco ». Le banquier donne le coup et perd. L’audacieux joueur empoche ; mais supposez que la veine ait été défavorable à ce dernier, alors… »

Alors, pour la première fois, le visage du prince se contracta et se montra à mes yeux sous un aspect sévère, j’avais été trop loin, je l’avoue. J’avais eu tort surtout de répondre gravement à une de ces plaisanteries que l’intimité autorise et qui ne tirent pas à conséquence. Il répliqua sur un ton sec : « Vous avez mal interprété ma boutade. J’atteste qu’il ne m’est jamais venu à l’esprit que je serais capable d’entreprendre une guerre dans le but de vous dépouiller. Une telle guerre ne serait pas autre chose qu’un vol organisé. Et cette façon de penser et d’agir est précisément opposée à toutes mes idées sur cette matière. Je suis persuadé, en effet, que la plupart des conflits entre nations sont le résultat des manœuvres et de l’ambition de quelques ministres qui usent de ces moyens criminels à seule fin de conserver le pouvoir et d’accroître leur popularité. Aussi, sauf le cas où une armée se rue brutalement sur un peuple, je désirerais que les ministres fussent seuls obligés de terminer par les armes les différends qu’ils ont provoqués. Cette perspective les rendrait assurément plus circonspects, et le sang des innocents ne serait pas répandu à leur profit. Mais, à l’avenir, je m’interdirai avec vous tout badinage de ce genre. »

La leçon était à peu près terminée. Nous nous quittâmes poliment. Nos salutations cependant furent aussi froides que muettes.

J’étais désolé de ce contre-temps. Je me demandais s’il y avait lieu de raconter cet incident à M. Hinzpeter. Après réflexion, je jugeai qu’il était plus sage de me taire. Le prince Guillaume gardait généralement pour lui tout ce qu’il n’était pas tenu de répéter. Or, notre discussion ayant un caractère personnel, il était vraisemblable qu’il ne s’en ouvrirait à personne.

Je conviens que j’étais mal à l’aise en songeant à ma leçon du lendemain. Je me présentai à l’heure précise. Du premier coup d’œil, je vis que le prince était décidé à conserver une réserve absolue à mon endroit. Il n’y eut ni dissertations ni entretiens familiers ce jour-là. Nous prîmes congé l’un de l’autre dans les mêmes conditions que la veille. Cet état se prolongea pendant une semaine.

Je cherchais, sans y parvenir, le moyen de mettre un terme à ce désaccord que j’avais causé assez maladroitement. Pourquoi avoir froissé un jeune homme dont j’appréciais le mérite et les qualités, et que son âge aurait dû protéger contre une accusation, après tout injustifiée dans l’espèce ? Je reconnaissais ma faute : cependant l’aveu m’en paraissait inadmissible, de même que toute avance de ma part me semblait absolument impossible. Non point qu’une vanité bête m’inspirât, mais la situation particulière dans laquelle j’étais placé m’empêchait d’agir selon mes vœux secrets. En effet, j’étais un vaincu et un simple particulier. Mon adversaire était un vainqueur et un prince. Richard III d’Angleterre offrait un empire pour un cheval ; en ce moment, j’aurais refusé un royaume pour une excuse.

Enfin, la réconciliation s’opéra le lundi suivant. A peine fut-il assis devant son pupitre, Guillaume me dit sur un ton courtois, – et il peut être supérieurement aimable, s’il le veut : – « Je regrette vivement que vous ayez pris au sérieux un jeu d’esprit sans portée aucune, et que vous ayez pu en être affligé. J’en suis d’autant plus fâché que j’ai froissé chez vous un des sentiments que je respecte le plus au monde, l’amour de la patrie. J’espère que vous êtes revenu de cette pénible impression. » – « Oui, certes, répondis-je, et depuis longtemps déjà. Je vous remercie néanmoins de vos bonnes paroles. »

97 - Fâcherie passagère

Le château de Wilhelmshöhe où résidaient les princes Guillaume et Henri pendant l’été.

J’observai avec plus d’attention encore cet adolescent qui avait résolument décidé de m’exprimer un regret, après une longue et mûre délibération. Aussi, lorsque j’entends parfois émettre l’opinion que l’Empereur d’Allemagne est susceptible d’un coup de tête, je ne cesse de répéter que c’est là une appréciation erronée. Non seulement Guillaume réfléchit beaucoup, mais il possède encore une qualité précieuse, entre toutes, chez un chef d’Etat : il est absolument maître de lui. Il est capable de dominer une émotion, aussi vivace qu’elle soit. Certes, il est primesautier, peut-être même un peu violent, mais dans toute circonstance grave, il sait se contenir et examiner sagement les conséquences de ses actes, sinon de ses paroles, toujours.

– « Ce qui n’est point une plaisanterie, ajouta-t-il sur un ton grave, c’est le rêve d’assister à l’union des forces de votre pays avec celles du mien. Que de prodiges les deux nations seraient en mesure d’accomplir ! Elles deviendraient logiquement les maîtresses de la terre ; elles forgeraient le frein propre à arrêter l’essor absorbant des peuples exclusivement mercantiles 2. En mettant au service de la justice et du progrès tous les éléments dont elles disposent, elles feraient avancer l’humanité à pas de géant dans la voie de la civilisation. Cette politique serait réellement plus profitable et plus noble que la politique de haine irréconciliable, qui use sans utilité le meilleur de notre puissance respective. »

2 La future rivalité entre Reich wilhelmien et la Grande-Bretagne est annoncée par ces paroles.

– « Oui, répondis-je, c’est là un beau rêve, mais les beaux rêves ne se réalisent guère ici-bas. Plus d’un Français a été hanté par cette brillante perspective, mais aussi longtemps que le fossé creusé en 1871 ne sera pas comblé, il écartera énergiquement cette éventualité. On prétend que mes compatriotes sont frivoles et légers ; je pense que l’on se trompe grandement sur eux. En voulez-vous une preuve frappante ? Il y a bientôt cent ans que le mot « République » a été prononcé par nos pères. A tort ou à raison, les Français ont cru que cette nouvelle forme de gouvernement serait plus bienfaisante que l’ancienne. Ils ont estimé surtout qu’elle serait plus conforme à leur moderne conception philosophique d’un Etat rationnellement organisé en vue de gérer les intérêts moraux et matériels d’une nation composée d’hommes libres, jouissant intégralement de tous les droits du citoyen, sans aucune distinction de naissance. Eh bien ! Ils ont tenté tout ce qui a été humainement possible pour l’établir et la faire fonctionner.

« Les Bonaparte, les Bourbons, les d’Orléans ont vainement essayé de comprimer cette aspiration populaire. Vainement aussi ils ont proclamé qu’une fois leur trône affermi et la stabilité de leur gouvernement assurée, ils prodigueraient les réformes efficaces et populaires. Peines perdues. La nation a poursuivi son but avec une ténacité inlassable. Aux heures de deuil, comme aux heures de joie, elle a constamment tourné ses regards vers son nouvel idéal politique et social : la République. Les expériences désastreuses ne l’ont point découragée, et elle est enfin parvenue, après tant de combats, à l’instituer définitivement aujourd’hui.

« Quant à proposer à des Français une action qui ressemblerait à une trahison ou à de l’ingratitude, inutile d’insister. Ces hommes que l’on accuse si facilement de ne vivre que pour le plaisir, de ne rechercher que l’argent et les honneurs extérieurs, sont positivement sentimentaux. Ils sauraient sacrifier  tous les biens de la terre à une affection, même d’apparence chimérique. Et quelque ridicule que puisse sembler cette folie, je conviens que je suis fier d’en être atteint. Oui, j’aimerais mieux voir mon pays disparaître de la carte du monde, que de le voir s’avilir jusqu’à jouer le rôle de courtisan international. Déjà mes compatriotes ont oublié les milliards et leurs défaites. On dit chez nous que les pertes d’argent ne sont pas plaies mortelles. Quant aux batailles où nous avons succombé, c’est encore là un malheur dont il n’y a pas à rougir, surtout quand on a lutté jusqu’à la dernière extrémité, ainsi que nous l’avons fait, et que l’on possède un actif militaire aussi glorieux que le nôtre. Mais ce qui survit dans le cœur de tous, c’est l’amour impérissable pour des frères arrachés à la patrie, malgré leur volonté. Cela, c’est l’inoubliable. Et remarquez cependant que je ne souhaite pas la guerre, tant je redoute cette future boucherie et ses effroyables conséquences. Mais quelque chose me dit que nous devons espérer dans la venue du règne de la justice, qui succédera enfin au règne de la violence sur la terre. » 3

3 François Aymé s’est-il vraiment lancé dans un prêche aussi long ? C’est peu probable même s’il est caractéristique du travers bien français consistant à faire la leçon à l’univers entier, quelle que soit la situation réelle du pays…

– « Qui vivra verra », conclut le prince en me serrant la main. 4

4 François Aymé Une éducation impériale (Société française d’édition d’art ; Paris, 1897) pp. 150-160.

97 - Fâcherie passagère

L’autre légende que vient balayer ce texte est celle de la francophobie du Kaiser. François Aymé qui en 1870 avait abandonné ses études à l’université de Bonn pour aller s’engager volontairement et qui n’a pas de mot assez dur dans son livre pour dénoncer Bismarck, peut donc en apporter la preuve. Mais les lecteurs réguliers de ce blog s’en étaient déjà rendu compte lorsque nous avons évoqué deux tentatives du Kaiser pour tenter de se rapprocher de son irascible voisin :

http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-18-104248139.html

http://kaiser-wilhelm-ii.over-blog.com/article-43-avances-a-felix-faure-119051860.html

97 - Fâcherie passagère

"Devant Dieu et devant l'Histoire ma conscience est pure -

Je n'ai pas voulu la guerre"

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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 13:58
96 - Aux morts

En ce jour de commémoration des défunts, permettez-moi de vous proposer une série de cartes postales de propagande éditée en Allemagne pendant le premier conflit mondial. On ne manquera pas de noter qu’à côté du respect dû aux morts, elles ne manquent pas de souligner l’absence de responsabilité du Kaiser dans le déclenchement du conflit.

96 - Aux morts

« Je n’ai pas voulu cela ! »

96 - Aux morts

Une carte du même type que la précédente, si ce n’est que le Kaiser s’est découvert.

96 - Aux morts

« Hommage aux héros ».

96 - Aux morts

La sollicitude impériale s’étendant aux veuves et aux orphelins : « Avec les Pères et les mères, je partage la douleur des Veuves et des Orphelins à l’égard des Etres chers morts pour la Patrie ».

En complément à ces cartes officielles, permettez-moi de vous soumettre ces quelques lignes écrites en août 1928 lors d’un voyage entre Trèves et Reims par le comte Harry Kessler, anciens officiers de l’armée impériale :

On devrait faire un sanctuaire de toute cette contrée entre Verdun et Reims, un lieu de pèlerinage pour toute l’Europe, où chaque année des trains déverseraient des pèlerins venants de tous les coins de la terre, pour condamner la guerre et glorifier la paix, et pour s’unir dans la prière devant la grandiose cathédrale mutilée.
Jusqu’à présent, en fait de pèlerins, on ne voit débarquer des trains que des touristes, surtout des Américains avec des appareils photographiques et un programme surchargé de « sightseeing », profanant ce paysage comme une vermine répugnante. Goertz et moi sommes partis, où plutôt nous nous sommes enfuis, de plus en plus horrifiés et bouleversés.
Tout ce paysage, champ catalaunique d’Attila, ce site de Valmy que nous venons de traverser, et pour finir le champ de bataille de la Marne, a accompli son destin, qui s’est gravé dans son aspect. Il faudrait maintenant le visiter dans le même esprit que les Grecs allaient voir les terribles héros de leur mythologie représentés dans leurs tragédies, pour que leur âme en fût bouleversée et purifiée.
1
        1 Comte Harry Kessler Cahiers 1918-1937 (Grasset ; Paris, 2011) p. 300.

 

96 - Aux morts

Timbre français de 1950.

Enfin, nous ne pourrions clore cette évocation du respect dû à la mémoire des victimes de ce conflit sans citer les vers prémonitoires écrits en décembre 1913 par Charles Péguy, mort pour la France à Villeroy (Seine et Marne) le 5 septembre 1914 :

Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle.

Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l’appareil des grandes funérailles

Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles,
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles.

 

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